Un membre à vif en verre brisable. La fonte des neiges qui se font miel, asphalte liquoreuse, contagieuse. L'os fatigue, transmutation. Peau blancheur lait. Peau blancheur lait et silence de cette naissance. Corps unique et simple. Corps simples qui s'agglutinent sur les bords de la rétine. Les masses qui pèsent. Irradiation d'un savoir incommensurable. Les routes qui usent genoux la boue qui boit, à son rythme, sans rien régurgiter jamais sans rien donner juste pour nourrir le charnier souterrain. L'épiderme tressaille. Un caillot dans la veine fémorale. Fulgurance. Corps entier cassé brisé roulé sur le côté les griffes sur le sol le sang dans les sillons. Le râle qui ne calme rien, jamais. L'image rasoir. La douleur simple, nette, indicible, qui redessine le corps. Membre à vif en verre brisable. La coupe qui pourrait se faire sous le genou précisément comme pour se débarrasser du reste inutile d'une douleur enfin tue. Qui pourrait faire comme si jamais besoin. Qui aurait la prétention de nier l'existence fantôme du membre arraché à vif. Qui le croirait très certainement laissé là sur le chemin sur cette route en boue sous cet arbre décharné sous ce ciel en nuances de pigeon, plumes et duvet. Membre absorbé par l'appétit constant, bovin, des forces souterraines. Corps qui se croirait en cela libéré et qui évidemment se tromperait, on le sait bien, sauf que sur le moment douleur là fulgurante de corps en verre brisé à vif l'image rasoir sous le genou c'est bien roulé sur le côté ongles plongés le sang les sillons, griffes et doigts et serres en compression. Entrailles. Peau blancheur lait. Savoir accumulé. Pendant ce temps aux quatre coins de l'espace pigeon, corps simples s'agglutinent. Membres irradiés de douleurs indicibles, éclatantes. Images rasoirs reflétant le néant. Et la tentation partout de couper. Pas d'idée.
Filet de bave. Petites bulles translucides et le fil qui d'une lèvre à l'autre.
Peau blancheur lait instruments noirs et lisses et mats. Le rythme des images rasoir. Ça tranche sec. Comme quand l'instrument pète. La main qui tire appuie le terme même de gâchette.
Cet amour-là
"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."
Yann Andréa
Yann Andréa
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Nightingale
Wilt thou be gone? It is not yet near day. / It was the nightingale, and not the lark, / That pierced the fearful hollow of thine ear. / Nightly she sings on yon pomegranate tree. / Believe me, love, it was the nightingale.
http://www.youtube.com/watch?v=Z0GUf4QLh78
Elle disait qu'elle y pouvait rien que c'était comme ça, qu'il y avait une lutte incroyable. Que je ne pourrais pas moi y participer. Pas avec mes mains minuscules, pas avec mon souffle au coeur. Que le champ de bataille était d'un autre monde. Que respirer déjà pour elle c'était difficile, qu'elle aurait pu en crever la nuit. Elle disait pourtant bonheur. Je crois même qu'elle y croyait. Que le temps quand j'étais là s'arrêtait là comme ça et la laissait souffler. Que ses yeux ne saignaient plus. C'est ce que moi je croyais en tout cas. Et je pensais qu'elle aussi, elle pensait ça. Je ne m'y attendais pas. Pas comme ça. Je pensais que l'illusion pourrait durer plus longtemps et que le petit matin n'arriverait pas, qu'il se prolongerait en tout cas. Repoussant le jour. Inutile le jour. Pour les autres le jour. Pas pour moi. Pas pour nous. Il ne nous manquait pas. Il ne nous allait pas. Il ne faisait rien d'autre que flinguer les rétines et défoncer les dents. A un moment elle avait dit je m'en souviens qu'il faudrait l'éteindre, le jour. Et moi je pensais métaphore. Il y avait pourtant eu ce truc dans son regard. Habituellement franc, il avait fait cette figure folle, comme un salto au ralenti, imperceptible pour qui ne la connaissait pas. C'est-à-dire pas pour moi. Je l'avais perdue une première fois.
On ne sait jamais vraiment dans quelles lignes l'avenir se tisse, où le dénouement se joue, à quel moment le possible devient prévisible. Jamais. On relance toujours les dés avec la même foi, avec ce sentiment merveilleux de nouveauté.
Et pourtant, à la voir elle comme ça.
Il serait temps, c'est ce que je me dis maintenant. Il serait temps d'apprendre à lire. Il faudrait voir à quel point les couches successives de l'existence s'empilent sans jamais s'effacer. A quel point la colle ne fait que colmater la faille sans jamais l'effacer. Il faudrait voir les plaies des autres comme des nourritures, pas comme des sacerdoces. On ne fait rien avec une plaie. On en crève un point c'est tout. On en crève et tout ce qu'on peut faire c'est se donner l'illusion de pouvoir en repousser l'échéance. Quand en réalité, de pouvoir sur la temporalité finale, on n'en a aucun.
http://www.youtube.com/watch?v=Z0GUf4QLh78
Elle disait qu'elle y pouvait rien que c'était comme ça, qu'il y avait une lutte incroyable. Que je ne pourrais pas moi y participer. Pas avec mes mains minuscules, pas avec mon souffle au coeur. Que le champ de bataille était d'un autre monde. Que respirer déjà pour elle c'était difficile, qu'elle aurait pu en crever la nuit. Elle disait pourtant bonheur. Je crois même qu'elle y croyait. Que le temps quand j'étais là s'arrêtait là comme ça et la laissait souffler. Que ses yeux ne saignaient plus. C'est ce que moi je croyais en tout cas. Et je pensais qu'elle aussi, elle pensait ça. Je ne m'y attendais pas. Pas comme ça. Je pensais que l'illusion pourrait durer plus longtemps et que le petit matin n'arriverait pas, qu'il se prolongerait en tout cas. Repoussant le jour. Inutile le jour. Pour les autres le jour. Pas pour moi. Pas pour nous. Il ne nous manquait pas. Il ne nous allait pas. Il ne faisait rien d'autre que flinguer les rétines et défoncer les dents. A un moment elle avait dit je m'en souviens qu'il faudrait l'éteindre, le jour. Et moi je pensais métaphore. Il y avait pourtant eu ce truc dans son regard. Habituellement franc, il avait fait cette figure folle, comme un salto au ralenti, imperceptible pour qui ne la connaissait pas. C'est-à-dire pas pour moi. Je l'avais perdue une première fois.
On ne sait jamais vraiment dans quelles lignes l'avenir se tisse, où le dénouement se joue, à quel moment le possible devient prévisible. Jamais. On relance toujours les dés avec la même foi, avec ce sentiment merveilleux de nouveauté.
Et pourtant, à la voir elle comme ça.
Il serait temps, c'est ce que je me dis maintenant. Il serait temps d'apprendre à lire. Il faudrait voir à quel point les couches successives de l'existence s'empilent sans jamais s'effacer. A quel point la colle ne fait que colmater la faille sans jamais l'effacer. Il faudrait voir les plaies des autres comme des nourritures, pas comme des sacerdoces. On ne fait rien avec une plaie. On en crève un point c'est tout. On en crève et tout ce qu'on peut faire c'est se donner l'illusion de pouvoir en repousser l'échéance. Quand en réalité, de pouvoir sur la temporalité finale, on n'en a aucun.
Stagger
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Time
Nail, finger, hand
Wood on the floor and wooden doors and big bad boots
Hair in my eyes, sweat in my neck - on my skin
Saying stuff about my brain
My body doesn't can't and won't move like I'd like it to
Stiff and dry on the outside
Just like the letters of the mother tongue that break in my mouth
Burning stones inside
Mute and stupid dead dry flower
The person I am isn't in the flesh,
See
I am the flesh
Wall back hips
Nice and sweet
Whiskey and wine
Breathing out deathly somke with a smile
No skirt, no,
dark - dark
trousers
And the eyes of you
on me
Sadness out
Happiness out
Death in
Pleasure out
broken knees, chest and mouth
don't you see
Killing
The eyes
Kill
Dry
Turning blood into ashes
Ain't no easy process
It takes skills and time and knowledge
Switching the light off ain't
No
How could you
me
Time
Nail, finger, hand
Wood on the floor and wooden doors and big bad boots
Hair in my eyes, sweat in my neck - on my skin
Saying stuff about my brain
My body doesn't can't and won't move like I'd like it to
Stiff and dry on the outside
Just like the letters of the mother tongue that break in my mouth
Burning stones inside
Mute and stupid dead dry flower
The person I am isn't in the flesh,
See
I am the flesh
Wall back hips
Nice and sweet
Whiskey and wine
Breathing out deathly somke with a smile
No skirt, no,
dark - dark
trousers
And the eyes of you
on me
Sadness out
Happiness out
Death in
Pleasure out
broken knees, chest and mouth
don't you see
Killing
The eyes
Kill
Dry
Turning blood into ashes
Ain't no easy process
It takes skills and time and knowledge
Switching the light off ain't
No
How could you
me
Toxicomique
Le poing vengeur, le nez bouché, papa-bébé réclame son dû : la vie est trop injuste. C’est qu’à force de blasphémer, il avait oublié le pourquoi du comment qu’il est né : pour crever. Ah oui, bah ça fait mal et c’est bien triste mais c’est comme ça coco, tu peux pas tricoter du pastis au whisky toute la sainte journée sans avoir à en payer le prix. C’est la vie qu’ils disent même, de leur humour borné : t’en chieras tout ce qu’il faudra de la tienne, ne serait-ce que pour compenser ton incommensurable foi de gamin en ces lendemains. Parce que non, ils ne sont jamais cléments.
Hurlements du téléphone. Sein maternel glacial. Ce sont les lumières violentes des services publics qui viendront t’arracher les orbites, t’as pas mérité mieux. De toute façon, tu trouveras toujours quelque chose à en dire : couverture en or parce qu’ils savent que t’es un roi, on t’attache juste pour pas te perdre denrée précieuse que tu es. Ils vont encore te sauver ces cons-là.
Toxic Avenger
C’est cette façon admirable de faire les paquets sans jamais rien coller.
Le papier comme les sentiments, jamais froissé.
Le bon goût et la discrétion.
Sourire toujours sans étincelles.
C’est qu’elle est sous traitement.
Sa douceur
monitorée.
Les hurlements dans la maison.
Le fils
à l’étage.
Non mais tu vois bien : il n’est pas là.
La voix réelle dans ses oreilles et leur regard outré dans la distance.
Moi, eau lisse, lac endormi, miroir aux alouettes je vous dis
il est là, je l’entends.
Le grondement soudain et les clapotis sur le rivage.Remous incohérents, frissons dans l’échine :
l’assistance sent l’urgence, les voitures blanches et l’alchimie neuronale.
Les étages et les pièces vides, incestueuses, stériles.
Les écuries vides et l’odeur du foin, autrefois.
Le vide des bras croisés, des mains serrées ; le corps emmitouflé glacial.
Je vous dis qu’il est là.
Soleil sur le gazon taillé, dard brûlant, chaussures, chaussettes et manche blancs.
La balle, elle, jaune.
Tape. Souffle. Larme tape. Larme. Souffle tape. Souffle. Larme. Souffle. Tombe tape. Souffle. Tape larme tombe. Sourire, toujours, sans étincelle. Je vous dis qu’il est là.
Voiture, draps et cachets blancs.
Sourire toujours
sans étincelle.
Le papier comme les sentiments, jamais froissé.
Le bon goût et la discrétion.
Sourire toujours sans étincelles.
C’est qu’elle est sous traitement.
Sa douceur
monitorée.
Les hurlements dans la maison.
Le fils
à l’étage.
Non mais tu vois bien : il n’est pas là.
La voix réelle dans ses oreilles et leur regard outré dans la distance.
Moi, eau lisse, lac endormi, miroir aux alouettes je vous dis
il est là, je l’entends.
Le grondement soudain et les clapotis sur le rivage.Remous incohérents, frissons dans l’échine :
l’assistance sent l’urgence, les voitures blanches et l’alchimie neuronale.
Les étages et les pièces vides, incestueuses, stériles.
Les écuries vides et l’odeur du foin, autrefois.
Le vide des bras croisés, des mains serrées ; le corps emmitouflé glacial.
Je vous dis qu’il est là.
Soleil sur le gazon taillé, dard brûlant, chaussures, chaussettes et manche blancs.
La balle, elle, jaune.
Tape. Souffle. Larme tape. Larme. Souffle tape. Souffle. Larme. Souffle. Tombe tape. Souffle. Tape larme tombe. Sourire, toujours, sans étincelle. Je vous dis qu’il est là.
Voiture, draps et cachets blancs.
Sourire toujours
sans étincelle.
Le vieil homme et la mère
Les fleurs, en vieillissant, sèchent ou se brisent et leurs pétales se froissent, ternissent et tombent. Toi, ta peau fait pareil, les poils disparaissent et la peau s’étend, s’étire à mesure que la chair ramollit et fond pour souligner de rides les angles de ton squelette. Toi, ton dos fait pareil, dans une courbe sans esthétisme qui s’affaisse révélant la brisure de tes omoplates sèches et usées comme des ailes rognées. Toi, ta voix fait pareil en tremblant et s’effritant pour ne garder que la sèche résonance de ton caractère absolu. Toi, ton bras fait pareil, enflé aux jointures et articulé comme un pantin raté, incapable de se mouvoir sans qu’on tire les fils. Toi, tes épaules font pareil, écrasées sous le poids des ans et des échecs sans importance. Toi, ta tête fait pareil, se dodelinant d’avant en arrière en silence ou en bruit. Toi, ton amour fait pareil, inconditionnel et indifférent,sans trop de conviction. Toi, ton sommeil fait pareil, continu et impossible, ponctué de rêves vieux comme les jours, vieux comme le temps. Toi, ton habit fait pareil, sale et froissé parce que sans importance. Toi, tes yeux font pareils, clairs et ternes, incapables de suivre les lignes de ma main. Toi, ta vie fait pareil, toute de patience tissée, toute impatiente, irritée. Tu voudrais qu’on jette l’eau, tu voudrais qu’on tue le soleil, tu voudrais qu’on arrache tes feuilles, tu voudrais qu’on te foute la paix.
Toxique - petite fille*
Elle avait dû être jeune avant. Elle ne se souvenait plus.
Ce qu'il y a d'étrange dans ce que vous célébrez c'est que cette chair soit-disant issue de moi ne me ressemble pas. Ce qu'il y a d'étrange c'est que plus le temps passe, plus sont nombreuses les personnes qui peuvent se réclamer origines de la chair. Quand je l'ai fait, lui, le premier, je croyais que vous disiez vrai. Je croyais vraiment qu'il était ma chair et mon sang. Je croyais vraiment qu'il serait ce que je n'avais pas été: dressé et fort comme j'avais été faible et moite. On pourrait penser que leur présence m'a perturbée. On pourrait penser qu'ils m'ont privée de lui. On pourrait penser que je me suis sentie usurpée. On pourrait tant penser.
Maintenant qu'il est moite au possible. C'est à dire qu'il transpire et se noie dans ces liqueurs collantes et dérangeantes. C'est à dire qu'il me fuit, voyez-vous.
Et pourtant, les couleurs de l'absinthe et du Ricard ressemblent à s'y méprendre à mon placenta. Il doit avoir du mal à s'en passer. Quand ils me l'ont arraché, j'ai hurlé. Quand il a grandi, j'ai tissé ma toile, je l'ai récupéré. Quand il a grandi, il a fait l'inimaginable: il a grandi. C'est à dire qu'il a baisé, voyez-vous, il m'a baisée, il nous a tous baisés.
Et puis il a cru qu'il pouvait s'y mettre lui aussi. Alors il l'a choisie racée et sage. Exotique, c'est un plus. Exotique et classieuse, comme une pouliche de course qui ne le ferait jamais perdre. Il l'a engrossée et il t'a faite. Depuis, je te maudis.
Ce qu'il y a d'étrange dans ce que vous célébrez c'est que cette chair soit-disant issue de moi ne me ressemble pas. Ce qu'il y a d'étrange c'est que plus le temps passe, plus sont nombreuses les personnes qui peuvent se réclamer origines de la chair. Quand je l'ai fait, lui, le premier, je croyais que vous disiez vrai. Je croyais vraiment qu'il était ma chair et mon sang. Je croyais vraiment qu'il serait ce que je n'avais pas été: dressé et fort comme j'avais été faible et moite. On pourrait penser que leur présence m'a perturbée. On pourrait penser qu'ils m'ont privée de lui. On pourrait penser que je me suis sentie usurpée. On pourrait tant penser.
Maintenant qu'il est moite au possible. C'est à dire qu'il transpire et se noie dans ces liqueurs collantes et dérangeantes. C'est à dire qu'il me fuit, voyez-vous.
Et pourtant, les couleurs de l'absinthe et du Ricard ressemblent à s'y méprendre à mon placenta. Il doit avoir du mal à s'en passer. Quand ils me l'ont arraché, j'ai hurlé. Quand il a grandi, j'ai tissé ma toile, je l'ai récupéré. Quand il a grandi, il a fait l'inimaginable: il a grandi. C'est à dire qu'il a baisé, voyez-vous, il m'a baisée, il nous a tous baisés.
Et puis il a cru qu'il pouvait s'y mettre lui aussi. Alors il l'a choisie racée et sage. Exotique, c'est un plus. Exotique et classieuse, comme une pouliche de course qui ne le ferait jamais perdre. Il l'a engrossée et il t'a faite. Depuis, je te maudis.
Reine des reinettes
Toujours deux. Des châtains tellement opposés qu’on les appelle brune et blonde. Des formes tellement divergentes qu’on parle de moule brisé. Des caractères tellement opposés qu’on en rit en famille. Déchirures d’une vie moins facile qu’un long fleuve tranquille mais moins neutre qu’un big mac sans sel. Envers et contre tout, j’exploserais bien ta petite tête conte le lavabo blanc.
Des boucles si jolies qui narguent des queues de rat ternes et sèches. Une peau lisse et saine, moins grumeleuse que l’autre et surtout plus blanche. Des lèvres aussi charnues que son derrière est flasque, mon Dieu que la vie est belle. Ah non, pardon, les paroles d’une vieille chanson. C’est qu’on croit penser alors qu’on ne fait que gloser et que l’inconsistance est l’essence même du foutre. Vas-y j’te jure, tu verras.
Et de provoquer pour sentir le sang monter, les veines se gonfler et les lèvres se pincer. De contredire pour se sentir trembler, flancher, frapper. De crier pour taire, évincer et contourner la chose. Les pupilles qui s’écarquillent tendis que la fente se rétrécit, aigue et perçante.
La haine qui s’installe, profonde, viscérale. Le plaisir, enfin.
Des boucles si jolies qui narguent des queues de rat ternes et sèches. Une peau lisse et saine, moins grumeleuse que l’autre et surtout plus blanche. Des lèvres aussi charnues que son derrière est flasque, mon Dieu que la vie est belle. Ah non, pardon, les paroles d’une vieille chanson. C’est qu’on croit penser alors qu’on ne fait que gloser et que l’inconsistance est l’essence même du foutre. Vas-y j’te jure, tu verras.
Et de provoquer pour sentir le sang monter, les veines se gonfler et les lèvres se pincer. De contredire pour se sentir trembler, flancher, frapper. De crier pour taire, évincer et contourner la chose. Les pupilles qui s’écarquillent tendis que la fente se rétrécit, aigue et perçante.
La haine qui s’installe, profonde, viscérale. Le plaisir, enfin.
Toxique - petite fille
Les yeux perçants dont le regard déchire le visage ridé. Un acharnement complice : parce que tu dois souffrir ce que j’ai souffert, parce que la souffrance est la condition de ta condition, parce que je souffre à cause de toi. Pourquoi n’es-tu pas un garçon ? Le mouvement des pupilles et les lèvres sèches, pincées, sont comme autant de sondes dans ce secret que l’âgée aurait préféré ne pas percer. Mais la curiosité : que se passe-t-il, peau d’abricot ? Par où le mal est-il entré ?
Parce que, d’aspect, rien n’a changé. La blondeur est la même et la peau toujours blanche. C’est peut être le silence assourdissant. Un silence qui gronde, qui vibre, qui hurle de tout ce dont il n’est pas vide. C’est qu’il ne faut rien dire, qu’il n’y a rien à dire. L’animal blessé se tord de douleur et se cache. Quand deux animaux sont blessés par celui qui les unit, ils deviennent ennemis et protègent le bourreau. Ce qui les lie les déchire, ils se rejettent, ils sont fondamentalement autres.
Et la vieille de s’abattre de toute son acidité dans le cœur ébréché de son enfant, il faut arracher la spontanéité, lapider la naïveté, lacérer toute joie. Sa masse informe menace de s'effondrer, bourrelet par bourrelet, sur le sol carrelé, immaculé. Le seul moyen de les atteindre, la seule façon de les condamner : le sacrifice. Jason ne comprenait pas que Médée le punisse, il ne comprenait pas qu’elle s’ampute dans le seul but de s’affirmer. Il ne voyait que ses mains tordues et ses joues creusées, il ne voyait que les hurlements. Jason la croyait hystérique. Jason ne comprenait pas. A travers l’enfant, à travers son innocence, elle pouvait faire entendre sa voix, elle pouvait transpercer le cœur de son bourreau, faire ce qu’elle aurait dû faire avant, réussir là où elle avait échoué. La mort de l’enfant rendait sa présence d’autant plus réelle et brûlante que son vivant. La mort de l'enfant les unissait dans la douleur.
Il fallait détruire sa petite fille, sa chair, son sang, cette future trainée moite.
Parce que, d’aspect, rien n’a changé. La blondeur est la même et la peau toujours blanche. C’est peut être le silence assourdissant. Un silence qui gronde, qui vibre, qui hurle de tout ce dont il n’est pas vide. C’est qu’il ne faut rien dire, qu’il n’y a rien à dire. L’animal blessé se tord de douleur et se cache. Quand deux animaux sont blessés par celui qui les unit, ils deviennent ennemis et protègent le bourreau. Ce qui les lie les déchire, ils se rejettent, ils sont fondamentalement autres.
Et la vieille de s’abattre de toute son acidité dans le cœur ébréché de son enfant, il faut arracher la spontanéité, lapider la naïveté, lacérer toute joie. Sa masse informe menace de s'effondrer, bourrelet par bourrelet, sur le sol carrelé, immaculé. Le seul moyen de les atteindre, la seule façon de les condamner : le sacrifice. Jason ne comprenait pas que Médée le punisse, il ne comprenait pas qu’elle s’ampute dans le seul but de s’affirmer. Il ne voyait que ses mains tordues et ses joues creusées, il ne voyait que les hurlements. Jason la croyait hystérique. Jason ne comprenait pas. A travers l’enfant, à travers son innocence, elle pouvait faire entendre sa voix, elle pouvait transpercer le cœur de son bourreau, faire ce qu’elle aurait dû faire avant, réussir là où elle avait échoué. La mort de l’enfant rendait sa présence d’autant plus réelle et brûlante que son vivant. La mort de l'enfant les unissait dans la douleur.
Il fallait détruire sa petite fille, sa chair, son sang, cette future trainée moite.
Toxique - Véra
Assis dans le salon, des classeurs éparpillés partout autour. Lumière tamisée, rocking chair et sofa de cuir matelassé. Ils ont un verre de Martini à la main. Elle suce la rondelle de citron de façon élégante. Elle la mordille, elle la lèche, tout en réfléchissant. Elle la tient du bout des doigts, comme s’il s’agissait de la substantifique moelle. Lui est fade. Quand ils parlent, les glaçons tintent dans leurs verres qui brillent particulièrement dans la pénombre de leur discours.
Ils sont deux. Ils parlent mais ne se parlent pas.
Elle : C’est marrant parce que, depuis le début, sur toutes les photos supposées célébrer les joies de la maternité, on voit le même jeu de regards. Oui, l’étreinte est honnête, protectrice. Oui, il y a un air de famille. Mais c’est le naissant qui a le regard implorant, c’est le naissant qui espère. Elle, elle est absente, on voit bien qu’elle assume; mais il y a un ailleurs.
Lui : Elle a toujours été très belle. Ils la prenaient en photo, systématiquement.
Elle : Tu ne lui ressembles pas. Elle-même, d’ailleurs, ne se ressemble pas. On pourrait se demander si elle a existé. C’est un bel objet, tout en fourrures, en escarpins, en cigarettes. Je suis sûre que ses lèvres étaient rouge grenat et sa peau diaphane. Tu vois, sa tête est souvent penchée. Je me demande vraiment ce qu’elle voit dans l’objectif.
Lui : Tu sais, mon père, il a toujours été fier de l’avoir épousée. Il disait qu’elle valait de l’or. Il disait qu’elle ne mentait jamais. Ou peut être qu’il ne disait rien, je ne me souviens plus tellement. Tu as remarqué, on ne le voit jamais.
Elle : On dirait qu’elle est de marbre, sur toutes les photos. Elle illumine les clichés, elle a ce côté sacré. C’est marrant parce que, en réalité, elle a enfanté, elle n’est donc que passage, mais quel passage ! Et puis on l’oublie au bénéfice de ce qu’elle engendre, on la proclame bienheureuse, mère d’un chérubin vers lequel tous les espoirs se portent. Alors que lui, tout ce qu’il voit, tout ce qu’il espère c’est elle, et rien d’autre. Mais le verbe dit l’inverse et le verbe a toute puissance.
Lui : Je crois qu’on ne saura jamais, je me souviens à peine de son odeur. Elle avait cédé à mon caprice, elle avait volé à mon secours. C’était une sainte.
Elle : Elle irradie toujours, elle irradie depuis la première semence. Quand est-elle morte ? Elle est tellement présente sur les photos qu’on aurait peur de la laisser s’échapper. Depuis la première fois que tu m’as sorti ces albums, que tu m’as laissée toucher ces pages et caresser son reflet, j’ai eu peur qu’elle ne s’efface et j’ai su qu’on ne pourrait jamais la saisir. Mais mon verre est vide, il faut partir.
Elle se lève et révèle son ventre bombé.
Ils sont deux. Ils parlent mais ne se parlent pas.
Elle : C’est marrant parce que, depuis le début, sur toutes les photos supposées célébrer les joies de la maternité, on voit le même jeu de regards. Oui, l’étreinte est honnête, protectrice. Oui, il y a un air de famille. Mais c’est le naissant qui a le regard implorant, c’est le naissant qui espère. Elle, elle est absente, on voit bien qu’elle assume; mais il y a un ailleurs.
Lui : Elle a toujours été très belle. Ils la prenaient en photo, systématiquement.
Elle : Tu ne lui ressembles pas. Elle-même, d’ailleurs, ne se ressemble pas. On pourrait se demander si elle a existé. C’est un bel objet, tout en fourrures, en escarpins, en cigarettes. Je suis sûre que ses lèvres étaient rouge grenat et sa peau diaphane. Tu vois, sa tête est souvent penchée. Je me demande vraiment ce qu’elle voit dans l’objectif.
Lui : Tu sais, mon père, il a toujours été fier de l’avoir épousée. Il disait qu’elle valait de l’or. Il disait qu’elle ne mentait jamais. Ou peut être qu’il ne disait rien, je ne me souviens plus tellement. Tu as remarqué, on ne le voit jamais.
Elle : On dirait qu’elle est de marbre, sur toutes les photos. Elle illumine les clichés, elle a ce côté sacré. C’est marrant parce que, en réalité, elle a enfanté, elle n’est donc que passage, mais quel passage ! Et puis on l’oublie au bénéfice de ce qu’elle engendre, on la proclame bienheureuse, mère d’un chérubin vers lequel tous les espoirs se portent. Alors que lui, tout ce qu’il voit, tout ce qu’il espère c’est elle, et rien d’autre. Mais le verbe dit l’inverse et le verbe a toute puissance.
Lui : Je crois qu’on ne saura jamais, je me souviens à peine de son odeur. Elle avait cédé à mon caprice, elle avait volé à mon secours. C’était une sainte.
Elle : Elle irradie toujours, elle irradie depuis la première semence. Quand est-elle morte ? Elle est tellement présente sur les photos qu’on aurait peur de la laisser s’échapper. Depuis la première fois que tu m’as sorti ces albums, que tu m’as laissée toucher ces pages et caresser son reflet, j’ai eu peur qu’elle ne s’efface et j’ai su qu’on ne pourrait jamais la saisir. Mais mon verre est vide, il faut partir.
Elle se lève et révèle son ventre bombé.
Toxique - autrefois
Avec l’avènement du congèl, plus besoin de saler, ébouillanter ou mettre sous vide : il suffit de ranger dans le placard froid, conservateur. A partir de là, le temps s’efface et l’infini est à portée de main : statu quo et pérennité. Le monde était révolutionné.
Il créait des pièces utiles, mécaniques; de la ferraille. Camions, métro et jantes alu, il travaillait les petits crans qui faisaient rouler la masse glacée. Quand à la crise du pétrole, ce n’était qu’une occasion de plus pour lui. Utilisant son chapeau comme filtre, il remplissait son réservoir de mélanges farfelus pour fumer jaune, vert, bleu et nauséabond.
De son côté, après le premier, elle s’était sentie obligée d’en garder un second. Au fond, ce n’était pas tellement les changements de son corps qui posaient problème. Elle s’en foutait tellement qu’il ne marquait pas : le ventre à peine rebondi et l’humeur vaguement changeante, on aurait pu croire que son appétit fluctuant était le seul maître à bord. L’avènement du second était le résultat du tremblement paternel : la varicelle du premier l’avait fait douter. Il suffirait d’une voiture un peu rapide, d’un coin de table trop saillant ou d’une casserole bouillante déséquilibrée pour que tous les efforts du couple soient réduits à néant.
Là encore, elle avait refusé le visqueux. Elle avait donc stocké quelques larves sanglantes de plus, jusqu’à lui. Un lui qu’elle avait travesti en elle, parce qu’à cet âge ça ne se voit pas, parce que ses parents, à elle, aimaient jouer à la poupée.
Et puis, ça l’avait repris. Images nocturnes tourbillonnantes et incessantes, une peur panique de les oublier, la jouissance des mots revenait, insidieuse, douloureuse, inévitable.
De son côté, après le premier, elle s’était sentie obligée d’en garder un second. Au fond, ce n’était pas tellement les changements de son corps qui posaient problème. Elle s’en foutait tellement qu’il ne marquait pas : le ventre à peine rebondi et l’humeur vaguement changeante, on aurait pu croire que son appétit fluctuant était le seul maître à bord. L’avènement du second était le résultat du tremblement paternel : la varicelle du premier l’avait fait douter. Il suffirait d’une voiture un peu rapide, d’un coin de table trop saillant ou d’une casserole bouillante déséquilibrée pour que tous les efforts du couple soient réduits à néant.
Là encore, elle avait refusé le visqueux. Elle avait donc stocké quelques larves sanglantes de plus, jusqu’à lui. Un lui qu’elle avait travesti en elle, parce qu’à cet âge ça ne se voit pas, parce que ses parents, à elle, aimaient jouer à la poupée.
Et puis, ça l’avait repris. Images nocturnes tourbillonnantes et incessantes, une peur panique de les oublier, la jouissance des mots revenait, insidieuse, douloureuse, inévitable.
Toxique - procès verbal
Le cœur figé, comme glacé, pour surmonter l’instant présent, ignorer les regards révulsés des gens et se préparer à l’avenir. R. comprenait, parce que R. aimait. R. avait la chance d’avoir un organe qui produisait, qui pouvait se répandre sur le monde. Elle ne pouvait que garder, mécaniquement : conserver. Il créait, elle reproduisait. C’était comme ça.
lui
De lui, comme de ses pairs, sortait le visqueux, le blanc comme neige : l’origine. Elle était la chaleur et l’abri. La protection rassurante, la gardienne de la paix.
elle
Elle n’avait jamais vraiment souhaité avoir d’enfants. A vrai dire, elle ne s’était jamais dit non plus qu’elle n’en aurait pas. Il y en avait bien un qu’elle avait gardé, élevé, nourri, inscrit à l’école et au poney club. Mais on ne pouvait pas tellement dire que ça la passionnait. C’était comme un dommage collatéral de sa féminité.
les autres
Le comportement des autres parents. Surtout les mères. Comment pouvaient-elles mentir à ce point ? Et pourquoi ? Les voir penchées sur leurs morveux avec leur air ridicule et faussement fier, à gerber. Littéralement. Parce que bon, finalement, un tas de chair qui pisse, chie, hurle et se rebiffe, il faut oser le sortir ; admettre en plus que c’est un résidu de sa propre chair et s’en vanter, c’est de la pure connerie. Rapidement, elle avait compris que c’était le genre d’idée qu’il ne fallait pas partager si elle voulait que son gamin soit traité normalement par les chiennes de garde de la crèche. Encore un mystère d’ailleurs : produire des gosses, passe encore, mais passer sa vie à s’en occuper, par vocation, fallait vraiment être maso.
créer
Créer, elle aurait bien voulu. Mais créer quoi ? Reproduire les schémas, les données, l’existant : tordre ses propos jusqu’à ce qu’ils entrent dans le mensonge. Volupté féminine, hauteurs viriles. La puissance se dresse et le serviable déplie, se replie, s’agglutine et se déforme jusqu’à épouser les besoins de la puissance, jusqu’à l’accueillir en son sein, au creux de ses reins. Il ne lui restait qu’à s’imaginer un pénis pour fantasmer sur la beauté des courbes infiniment langoureuses et vanter la puissance des sommets abstraits du Verbe qui jaillit ; ou à aimer R. et à lui procurer le gîte et le couvert, la sécurité et la pérennité physique tandis qu’il les rendrait éternels par son génie.
the one
Pourquoi en avoir laissé un se développer en matière pensante ? Déjà, parce qu’il avait l’organe jaillissant, qu’il ne serait pas mollusque moite, matrice dégoulinante. Et pour faire taire ; faire taire les voix alentours et faire taire la voix supérieure, la voix des âges, la voix soufrée, la voix ancrée, la voix périmée. A force de vivre les douleurs, la tyrannie du corps, la voix s’était irritée de n’en tirer aucun bénéfice, si ce n’est une armoire bien remplie. Elle avait cédé à la curiosité, elle avait voulu voir.
C’était de là que tout était parti.
lui
De lui, comme de ses pairs, sortait le visqueux, le blanc comme neige : l’origine. Elle était la chaleur et l’abri. La protection rassurante, la gardienne de la paix.
elle
Elle n’avait jamais vraiment souhaité avoir d’enfants. A vrai dire, elle ne s’était jamais dit non plus qu’elle n’en aurait pas. Il y en avait bien un qu’elle avait gardé, élevé, nourri, inscrit à l’école et au poney club. Mais on ne pouvait pas tellement dire que ça la passionnait. C’était comme un dommage collatéral de sa féminité.
les autres
Le comportement des autres parents. Surtout les mères. Comment pouvaient-elles mentir à ce point ? Et pourquoi ? Les voir penchées sur leurs morveux avec leur air ridicule et faussement fier, à gerber. Littéralement. Parce que bon, finalement, un tas de chair qui pisse, chie, hurle et se rebiffe, il faut oser le sortir ; admettre en plus que c’est un résidu de sa propre chair et s’en vanter, c’est de la pure connerie. Rapidement, elle avait compris que c’était le genre d’idée qu’il ne fallait pas partager si elle voulait que son gamin soit traité normalement par les chiennes de garde de la crèche. Encore un mystère d’ailleurs : produire des gosses, passe encore, mais passer sa vie à s’en occuper, par vocation, fallait vraiment être maso.
créer
Créer, elle aurait bien voulu. Mais créer quoi ? Reproduire les schémas, les données, l’existant : tordre ses propos jusqu’à ce qu’ils entrent dans le mensonge. Volupté féminine, hauteurs viriles. La puissance se dresse et le serviable déplie, se replie, s’agglutine et se déforme jusqu’à épouser les besoins de la puissance, jusqu’à l’accueillir en son sein, au creux de ses reins. Il ne lui restait qu’à s’imaginer un pénis pour fantasmer sur la beauté des courbes infiniment langoureuses et vanter la puissance des sommets abstraits du Verbe qui jaillit ; ou à aimer R. et à lui procurer le gîte et le couvert, la sécurité et la pérennité physique tandis qu’il les rendrait éternels par son génie.
the one
Pourquoi en avoir laissé un se développer en matière pensante ? Déjà, parce qu’il avait l’organe jaillissant, qu’il ne serait pas mollusque moite, matrice dégoulinante. Et pour faire taire ; faire taire les voix alentours et faire taire la voix supérieure, la voix des âges, la voix soufrée, la voix ancrée, la voix périmée. A force de vivre les douleurs, la tyrannie du corps, la voix s’était irritée de n’en tirer aucun bénéfice, si ce n’est une armoire bien remplie. Elle avait cédé à la curiosité, elle avait voulu voir.
C’était de là que tout était parti.
Toxique 3
Blonde regarde ses mains et ses genoux salis par la poussière qui encrasse la pièce, camouflant ses couleurs originelles : de blanc cassé, le sol est devenu gris anthracite. Elle tente de se frotter pour se débarrasser des tâches mais ne fait qu’étendre leur emprise sur elle. Tout au long de son monologue, elle frottera, par intermittences. A la fin, elle sera toute charbonneuse.
Saletés. Silence. C’est comme des cendres. C’est que trop de mots ont été dits. A chaque fois, une avalanche, un excès. Elle regarde en direction du public. Mais qu’est-ce que je pouvais lui dire ? Il ne savait même pas ce qu’il voulait entendre. Il aurait voulu que cela ne soit pas. Il aurait voulu ne pas m’arrêter. Il aurait voulu que je n’écrive pas. En fait, il aurait voulu que je n’existe pas. Comme si j’avais un rôle quelconque dans cette histoire. Au début, je m’étais promis de me taire. Je savais. Mais il était si désespéré que j’ai cédé. J’ai tenté de répondre à ses questions. Pour lui prouver ma bonne volonté. Pour lui montrer qu’il n’y avait pas de mur entre nous. Que je ne le prenais ni de haut, ni de bas, ni de côté, que je le prenais comme ça, tout naturellement. Silence. Quelle conne. Franchement. A partir de là, impossible de faire machine arrière. C’était évident qu’ils allaient l’amener. Elle. De toute façon, une fois que leur regard est orienté, il n’y a plus rien à faire : chaque mot creuse un peu plus l’abyme qui nous sépare. Dans les coulisses, on entend des pas. Maintenant, c’est fini. Ils ont leur histoire, ils ont tissé leur toile. Emballez, c’est pesé, et pas un mot de plus ou ça pourrait déraper, ou ils perdraient le fil, ou on finirait tous fous. Quoique pour moi Sourire, je crois que c’est fait depuis un bout de temps. Gerber des pierres toute la journée, c’est crevant. J’avais beau les polir, les tailler, les sélectionner, j’avais beau me taillader la gorge et mourir de soif : c’était jamais assez clair. « Non mais on comprend pas ce que tu veux dire. », « C’est marrant, j’ai encore rien compris. »Elle imite ses détracteurs d’un ton sarcastique. Ça les faisait rire, ils prenaient ça pour un caprice, et ma bouche durcie, pleine de sable et de cendres, rien à foutre. « Mais personne t’oblige. » En réalité, c’est qu’ils ne savaient pas quoi en faire. Ils savaient très bien d’où ça venait. Cette note moite et collante qu’on appelle le visqueux et qu’on prononce du bout des lèvres. Ce râle maladroit qu’on refuse d’entendre à mesure que nos regards s’éteignent. Silence. Et personne pour noter que je répète inlassablement la même chose : laissez-moi me taire ! Non, personne pour noter ça. Si seulement. Pas un mot, pas une ligne, pas un bruit. Tout irait pour le mieux. Mais non, il faut dire. Formules. Comportements. Attitudes. Toute une tyrannie de l’être.
Saletés. Silence. C’est comme des cendres. C’est que trop de mots ont été dits. A chaque fois, une avalanche, un excès. Elle regarde en direction du public. Mais qu’est-ce que je pouvais lui dire ? Il ne savait même pas ce qu’il voulait entendre. Il aurait voulu que cela ne soit pas. Il aurait voulu ne pas m’arrêter. Il aurait voulu que je n’écrive pas. En fait, il aurait voulu que je n’existe pas. Comme si j’avais un rôle quelconque dans cette histoire. Au début, je m’étais promis de me taire. Je savais. Mais il était si désespéré que j’ai cédé. J’ai tenté de répondre à ses questions. Pour lui prouver ma bonne volonté. Pour lui montrer qu’il n’y avait pas de mur entre nous. Que je ne le prenais ni de haut, ni de bas, ni de côté, que je le prenais comme ça, tout naturellement. Silence. Quelle conne. Franchement. A partir de là, impossible de faire machine arrière. C’était évident qu’ils allaient l’amener. Elle. De toute façon, une fois que leur regard est orienté, il n’y a plus rien à faire : chaque mot creuse un peu plus l’abyme qui nous sépare. Dans les coulisses, on entend des pas. Maintenant, c’est fini. Ils ont leur histoire, ils ont tissé leur toile. Emballez, c’est pesé, et pas un mot de plus ou ça pourrait déraper, ou ils perdraient le fil, ou on finirait tous fous. Quoique pour moi Sourire, je crois que c’est fait depuis un bout de temps. Gerber des pierres toute la journée, c’est crevant. J’avais beau les polir, les tailler, les sélectionner, j’avais beau me taillader la gorge et mourir de soif : c’était jamais assez clair. « Non mais on comprend pas ce que tu veux dire. », « C’est marrant, j’ai encore rien compris. »Elle imite ses détracteurs d’un ton sarcastique. Ça les faisait rire, ils prenaient ça pour un caprice, et ma bouche durcie, pleine de sable et de cendres, rien à foutre. « Mais personne t’oblige. » En réalité, c’est qu’ils ne savaient pas quoi en faire. Ils savaient très bien d’où ça venait. Cette note moite et collante qu’on appelle le visqueux et qu’on prononce du bout des lèvres. Ce râle maladroit qu’on refuse d’entendre à mesure que nos regards s’éteignent. Silence. Et personne pour noter que je répète inlassablement la même chose : laissez-moi me taire ! Non, personne pour noter ça. Si seulement. Pas un mot, pas une ligne, pas un bruit. Tout irait pour le mieux. Mais non, il faut dire. Formules. Comportements. Attitudes. Toute une tyrannie de l’être.
Toxique 2

Blonde : Mais que voulez-vous que je vous dise, à la fin ? J’écris, oui. Ça me prend comme une envie de chier. Est-ce que vous pourriez mener un interrogatoire de la sorte simplement sous prétexte que ma merde ne vous revient pas, qu’elle est trop molle, trop verte, trop odorante, trop dure, impure, pourrie, ou sale ?
L’enquêteur : On ne parle pas de merde, on parle de textes, de mots, de phrases, que dis-je, de lignes ! Arrêtez un peu de faire l’idiote, de faire comme si vous ne saviez pas, comme si c’était gratuit. Comme si une ligne pouvait partir dans le tuyau d’écoulement des eaux usagées. C’est infini une ligne, ça a même des tentacules, toutes plus infinies les unes que les autres. Elles se multiplient, elles contaminent. Et puis c’est la merde. Précisément. Mais pas celle qui pue, non, celle qui pustule plutôt. Celle qui vient s’installer dans votre tête, à côté de vos rêves d’enfants. C’est ça vos lignes, des petites aiguilles, comme les chenilles processionnaires, ça ne s’arrête jamais. Et vous brûlez nos esprits, vous mettez nos corps à vif. Vous nous refusez le confort auquel tout être humain a droit. Vous êtes sans pitié, monstrueuse. A gerber.
Blonde : Regardez-moi, monsieur, regardez-moi. Vous m’insultez depuis des jours, vous m’avez tuée, déjà, et vous ne me regardez pas. Mais regardez-moi, voyez, je ne suis que moi. Je ris. Je parle. Je vis. J’écris, ça m’arrive. Mais au nom de quoi me condamnez-vous pour les lignes que je produis, puisque je vous dis qu’il s’agit de ma merde, de mes déjections. Si elles vous rebutent, chassez-en la cause mais laissez-moi, je vous en prie. Laissez-moi en paix. Vous m’avez enlevé mes mots. Vous m’avez enlevé mes feuilles. Vous m’avez enlevé mes lignes. Vous m’avez enlevé mon droit. Regardez-moi.
L’enquêteur : De quelle cause parlez-vous donc ? De la difficulté à être, peut-être ? Je vous l’ai déjà dit, nous en sommes tous là, votre nombril n’est pas le plus mal loti et, quand bien même cela serait le cas, ça ne vous donnerait aucunement le droit de saper le moral des troupes. Foutez-nous la paix, gardez votre fiel pour vous. Que ça se transforme en ulcère, en cancer à l’anus, en pourriture, pas en dysenterie verbale.
Blondie : Quand je vous disais d’en chasser la cause, je vous disais surtout que je n’obligeais personne à me lire, je vous disais aussi que c’est à vous de vous demander pourquoi cela importe à vos yeux. On pourrait dire, après tout, qu’il ne s’agit que d’élucubrations inoffensives produites par un cerveau dément et sans prise aucune sur un cerveau aussi sain que le vôtre. Vous devriez en rire. C’est pourquoi je vous demande, depuis des siècles déjà, de me laisser aller. A quoi bon m’attacher, je ne suis que l’hystérie. Dans une marge un peu floue où j’évolue, dans un far west absolu, si loin de vous.
Toxique

Maria : belle jeune femme blonde, en tailleur, maquillée comme une vieille. Menottée à un radiateur, d’elle émane une puissance absolue. Comme la voile pendue au mât lorsque le vent décide que c’est elle qui fait sens, que c’est d’elle que naîtra la libération totale : le mouvement.
L’enquêteur : jeune homme avec des manières d’éternel vieux.
L’amie : brune, belle, jeune. Elle est douce et rassurante.
Les geôliers : trois hommes, en arrière plan. Leur visage exprime un dégoût absolu pour la blonde et une admiration sans borne pour la brune.
Une pièce énorme. Des murs sales. Une lumière blafarde issue de méchants néons. Les participants sont déjà exténués, comme s’ils étaient là depuis des jours.
L’enquêteur : Obstinée. C’est précisément ce que vous êtes, à vous taire comme ça, comme si on vous insultait. Mais il faut comprendre, merde. Vous vous prenez pour qui ? Vous n’êtes pas seule au monde. Et les massacres au Rwanda, putain ! Comme si votre petit nombril était le centre du monde ! A bosser pour le gouvernement et à snober le vote. Il y en a qui sont morts pour que vous l’ayez, ce droit, putain. Merde. A force de trop vous lire on aurait presque fini par penser qu’ils étaient morts pour rien, les juifs. Vous devriez avoir honte, putain. C’est une tragédie, c’est la fiente de l’homme moderne, c’est notre héritage à tous. Et puis à force de mentir, ils en ont perdu la tête… Femme battue mon cul, mais vous attendiez quoi ? Qu’ils vous bénissent pour la merde que vous fourriez dans leur crâne ? On pourrait presque vous traiter de salope ! « Toujours vraie », que vous disiez, c’est écrit dans tous les rapports. Toujours vraie, et puis quoi encore ? Vous savez bien que c’est impossible, parfaitement impossible, que toutes vos élucubrations ne traduisent qu’une chose : votre folie.
Il se tait, comme blessé par ses propos. La belle brune le regarde, les larmes aux yeux. Silence complice. Elle avance vers son amie menottée. Cette dernière est gonflée comme une voile, le visage éteint : plus puissante que jamais. La brune s’accroupit, lui caresse les cheveux.
La brune : Ma belle, tu sais bien que personne n’a voulu ça. C’est pour ton bien. Elle lui embrasse le front. Ils t’ont tellement pourri la vie. C’est déjà un miracle que tu aies si bien réussi. Aide-nous à te comprendre, lève les quelques-uns des doutes qui irritent l’enquêteur et tu pourras rentrer. Il y a une place dans une clinique pour toi, tu verras, ils prendront soin de toi. On pourra se faire masser. Il paraît même qu’ils ont une esthéticienne hors pair.
La blonde tourne lentement son visage vers elle, dure, froide. Rien ne sort.
L’enquêteur : Vous êtes trop naïve, madame. Votre amie est dangereuse. Officiellement athée, voire anticléricale, on a trouvé deux bibles, une édition des quatre évangiles, un chapelet et une superbe icône représentant la vierge à l’enfant dans son appartement.
La blonde émet un cri déchirant : Mon icône. Mon icône. Marie si belle, découpée sur l’or. Vous ne pouviez pas faire ça, vous ne deviez pas y toucher !
L’enquêteur : Et ça se dit insensible. Je vous l’ai dit : il fallait y penser avant. C’est trop tard maintenant. Aujourd’hui, on fait les comptes. Et vous êtes bien mal barrée.
Les trois balourds acquiescent. L’un d’entre eux est en train de consoler la brune. Visiblement ravi qu’une telle opportunité se présente à lui.
L’enquêteur : Imaginez : on n’arrive pas à savoir de quel bord vous êtes. Vos textes dégueulasses plaisent aux femmes qui aiment les femmes et vous dites n’avoir jamais goûté ? Vous manifestez avec la gauche prolétaire et fréquentez la droite homophobe. Vous êtes un scandale total. Le pire, peut être, pour une personne comme vous, enfin moi à votre place, c’est la façon dont vous nous dénigrez. Vous n’aviez qu’à rentrer dans votre île. Personne ne vous retenait.
Des larmes coulent sur les joues de la jeune femme. Son amie s’élance vers elle.
La brune : Je sais que tu souffres. Laisse-moi t’aider. Tu verras, on va tout expliquer à l’enquêteur et après, je te le promets, on prendra bien soin de toi. Tu oublieras ce lieu, cette douleur. Je te le promets. Elle se tourne vers l’enquêteur. Monsieur, je sais que vous voulez, comme moi, que cette histoire se termine. Que mon amie avoue. Que vous puissiez rentrer chez vous. Croyez-moi, je le souhaite autant que vous. Ce lieu m’est inhabituel et cette ambiance détestable. Je vous en prie, essayons d’aider mon amie !
L’enquêteur : Aider votre amie ! Et elle, dites-moi, qui a-t-elle aidé ? Je prends son rapport : son père, mort dans une solitude sans nom. Alors qu’elle était tout ce qui lui restait. Vous entendez ? Tout ce qui lui restait ! Ensuit les hommes, le défilé des amants. Elle leur donnait tout, avec son air candide. Ils y croyaient. Et puis, elle disparaissait. Donner le goût de la vie et transformer le tout en cendres. Et vous dites que c’est un malentendu, que ce n’est pas de sa faute ?
La blonde : Mais il fallait m’écouter. Je parle aussi, je ne fais pas qu’écrire.
L’enquêteur : Ta gueule ! Je parle à ton amie, je lui explique quelle femme perfide tu es ! Putain, je n’arrive pas à y croire, même les femmes, tu les bernes.
La brune regarde l’enquêteur, puis son amie. Ses yeux font des va-et-vient entre les deux. Comme folle, perdue. Son regard s’arrête sur la blonde. Elle a un haut-le-cœur. Elle court vers le fond de la salle, le dos au groupe, et elle y vide ses tripes.
L’enquêteur : Tu vois, salope, tu vois ce que tu fais. Ton amie, ta douce et tendre amie. Je ne sais pas comment tu as fait pour l’avoir, celle-là, tu ne la mérite pas. Et bien, elle te voit enfin, telle que tu es. Misérable vautour. Et ça lui fout la gerbe ! Pourquoi, c’est tout ce qu’on veut savoir, pourquoi ? Qu’est-ce que t’es allée foutre dans cette galère. Et surtout, pourquoi tu n’as pas pu te la fermer ? Putain, le mythe de l’identité nationale, ça fonctionnait bien, ça nous fédérait tous. Et il a fallu que toi, ton nombril de merde et toi, vous veniez tout foutre en l’air. Nous dire des conneries, nous rendre la vue. On ne t’avait rien demandé, merde !
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