Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Le vieil homme et la mère

Les fleurs, en vieillissant, sèchent ou se brisent et leurs pétales se froissent, ternissent et tombent. Toi, ta peau fait pareil, les poils disparaissent et la peau s’étend, s’étire à mesure que la chair ramollit et fond pour souligner de rides les angles de ton squelette. Toi, ton dos fait pareil, dans une courbe sans esthétisme qui s’affaisse révélant la brisure de tes omoplates sèches et usées comme des ailes rognées. Toi, ta voix fait pareil en tremblant et s’effritant pour ne garder que la sèche résonance de ton caractère absolu. Toi, ton bras fait pareil, enflé aux jointures et articulé comme un pantin raté, incapable de se mouvoir sans qu’on tire les fils. Toi, tes épaules font pareil, écrasées sous le poids des ans et des échecs sans importance. Toi, ta tête fait pareil, se dodelinant d’avant en arrière en silence ou en bruit. Toi, ton amour fait pareil, inconditionnel et indifférent,sans trop de conviction. Toi, ton sommeil fait pareil, continu et impossible, ponctué de rêves vieux comme les jours, vieux comme le temps. Toi, ton habit fait pareil, sale et froissé parce que sans importance. Toi, tes yeux font pareils, clairs et ternes, incapables de suivre les lignes de ma main. Toi, ta vie fait pareil, toute de patience tissée, toute impatiente, irritée. Tu voudrais qu’on jette l’eau, tu voudrais qu’on tue le soleil, tu voudrais qu’on arrache tes feuilles, tu voudrais qu’on te foute la paix.

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