Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

survivance des lucioles

Jambes tendues, jambes pliées. Petits déplacements utilitaires, position de repos. La cuillère dans une main et le livre dans l’autre : le corps et ses nourritures.

A l’observer comme ça, dans son bocal, on voit bien les mécanismes de survivance de la luciole.

Régulièrement nettoyée. Les poils arrachés, les poils taillés, les poils dessinés en lignes à géométrie variable. Les bras se lèvent et la tête se tourne. Parfois, le corps est comme secoué, traversé par une force quasi surnaturelle qui, on le comprend en soulevant le couvercle, répond aux sollicitations auditives qui émanent du transistor. Elle danse.

Toutes les 24h, le même cycle : luciole fatiguée, luciole affamée, luciole désabusée. Gymnastique des tripes : ça rentre et ça sort. Beaucoup d’efforts de mise en scène, rituels païens, sont accordés à l’entrée dans le système tandis que la sortie, elle, s’effectue d’une traite, sans autre forme de cérémonial que l’intimité la plus totale. Et les sons qui emplissent la boîte confinée. Surprenant comme elle arrive à s’adapter à l’absolue réduction de son espace vital.

Accumulation d’objets : figures sacrées des temps modernes. Alors qu’il lui suffit d’une couche, de sanitaires et d’un réduit dédié à sa nourriture, elle a tendance à s’encombrer de superflus : objets inflammables recouverts de caractères, objets fragiles et anachroniques dont la production sonore concurrence à peine les nuisances de son environnement, objets bariolés et linéaire à productivité nulle.

C’est une solitude organisée.

Et parfois, quand le soleil se couche et que toutes les lucioles sont rangées, en position de repos dans un coin du bocal, la tête de l’animal se lève et le regard se perd, comme si son corps était vidé.

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