Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa
Comme tu le dis, je le lis. Parce que seule dans les rayons aux noms inconnus, je ne sais pas qui choisir. Je ne veux pas savoir. Je ne veux pas lire. Je veux être en autrui. Ce qui n’est pas tout à fait pareil. Alors quand je trouve un filon, je me gave et j’imagine. La vie de celui dont les doigts on battu les touches. Surtout sa vie de batteur de touches parce que le reste, au fond, on s’en fout. Je lis, je bois et je te vois, toi, lire et boire et réagir à ces doigts battant la machine. Dégoulinant d’inspiration et de désespoir. Buvant jusqu’à ce que les glaçons se dessèchent et râpent la langue. Mais je ne me souviens pas de la langue et je ne me souviens pas du son. Je ne sais plus que la peau et les mots. L’odeur du jambon premier prix et le vide de ton appartement. Le clapotis de l’eau du bain refroidissant. L’écran omnipotent.

Sangsue, je te lis et je vis du souvenir de ces moments arrangé par les mots d’une histoire qui n’a absolument rien à voir. Je caresse les pages et jouis de la justesse du propos. Il dit sa laideur et sa lâcheté. Il dit les hommes. Mais moi, je voudrais faire parler la femme. Pas celle qu’il humilie parce qu’il l'admire. Pas non plus  la débile aux yeux rougis. Non, celle qui comme lui détruit pour mieux maudire. Celle qui, lâche d’entre les lâches, véritable chienne, remue les détritus pour se couvrir d’une odeur forte. Repoussante pour ne pas qu’on la brise. Brindille au formol, la graisse en feuilles plates et les intestins nauséeux.   

La femme qui se cache dans le terrier du pouilleux.

2 commentaires:

thoams a dit…

touchant... sans être coulant...

Claremary a dit…

venant d'un batteur, c'est punctum-esque.