Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

c'était selon

C’était pour moi c’était selon, elle qui ne cuisinait pas, n’avait jamais cuisiné, qui répétait que des pâtes alors oui ils en voulaient des pâtes avaient voulu que des pâtes toujours en redemandaient, ils, comme si la fille ne parlait pas, n’était pas là. Ou alors, n’existait pas. On comprend qu’elle n’existait pas à causes de toutes celles, spécialement de celle. Qu’il y avait une femme face à trois hommes dont deux siens, qu’elle cuisinait. L’un coupait les pommes de terre, les poireaux, les carottes et je crois un oignon sur du papier journal qu’il suffisait ensuite de froisser pour débarrasser la table sans avoir à la nettoyer. La propreté du journal, celle de la table, du sol et même des pommes de terre, étaient l’oublié, incarnaient la distance entre le geste tel qu’il fut et comme il a ensuite été. Régulièrement cela trempait dans une eau tiède autour de laquelle on racontait. Et quand elle disait des pâtes, je leur resservais des pâtes pour qu’ils s’en lassent, pour qu’ils arrêtent de râler, elle ne pouvait s’empêcher, seul endroit jamais éclaté, fontaine d’où jaillissait une certaine complicité, plaisir, la tendresse d’un être tels qu’ils avaient été, un homme, une femme, deux hommes, la chair ensemble d’un foyer, évidemment d’un mythe, absolument d’un leurre, mais qui, à l’endroit des pâtes, avait fonctionné, avait rassemblé, l’obstination des uns nourrissant celles des autres, fabricant une parenthèse où l’on mange des pâtes, comme on mangerait du pain, et d’ailleurs en mangeant du pain, du saint nectaire et du yaourt nature et du chocolat noir sur du beurre salé sur un bout de baguette bien fraîche, à la chair tendre et déchirée.

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