Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

blesse ronce

J’appris que vers les ronces tu marchais. J’appris que les ronces dissimulent. Tu me dis, des années plus tard, années d’absence, que vers les ronces et dans la nuit tu marcherais, avais marché. Qu’il y avait le hasard, la nuit, la sensation du sol et la végétation, que les ronces font seuil. Tu marchais dans les ronces, au bord du précipice, comme un appel à la mort tu racontais, taisant la mort. Tu disais : je marchais, je ne dormais plus ; c’était noël et je marchais. Tu disais être rentré au levant, retrouver tes parents attablés à l’hôtel, mourants. Tu jouais leur mort en marchant, tes pieds en ronces, en cavités, abîmés. Rentré écorché pour les croissants, tu disais. Je n’entendais pas dans notre désir d’enfant la mort, je n’entendais pas la mort nous soudant. N’entendais. Tu marchais comme nous marchions. Marcher est abîmé est accessible est un pas devant l’autre suivant est un temps, marcher longeant les précipices, marcher les falaises, marcher l’escarpement de ces roches qui tombent dans la mer qui sortent de la mer qui sont léchées et qui tuent. Tu marchais, nous marcherions, et je n’entendais pas encore, marchant, le ventre lourd d’un enfant notre déjà mort et pourtant croissant, je n’entendais pas l’impasse d’un enfant croissant mort dans un désir absent. N’entendais. C’est une histoire d’érosion, cela forme le corps, forme l’histoire, d’être en sidération.

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