Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Little poppy I'm your doll

Ils étaient nombreux, grandioses et les stratégies infinies. C’était une histoire de trophées bien mérités. Il y avait le jeu, la surenchère, le plaisir de la victoire et la solitude infernale qui menaçait. Ils étaient beaux, ils étaient forts, elle était fière. Elle se voyait grandir à travers eux et aussi à cause d’eux voire même pour eux. Elle n’avait pas d’avis elle ne sentait plus elle ne voyait pas ses doigts gelés et son regard éteint puisque c’était le sien. Elle pensait hurlait disait liberté. Elle finissait toujours les bras ballants ne sachant comment choisir, abandonnée par manque d’humilité. Et puis il y avait eu l’accident impossible à décrire mais qui avait eu tout de suite ce goût indéniable de vérité. Comme si l’air tout à coup n’était plus cette enveloppe neutre de néant mais une aura pleine de chaleur et de douceur. C’était arrivé sans prévenir là où précisément c’était sensé arriver : la sphère autre, extérieure. C’était arrivé comme la vie arrive et c’était la réalité qui fait peur et qui fait mal et qui ne crie pas gare. C’était beau. Presque douloureux de beauté. C’était simple. Presque douloureux de simplicité. Ça avait effacé tout le reste. Les gens. Les choses. Les ambitions. Les calculs et le désespoir. Ça faisait sens. C’était évident. Elle avait essayé de le raconter. C’était impossible à raconter. Ça existait tellement que les mots n’auraient jamais la force de rendre compte. Elle avait parlé du pétale d’un coquelicot. Elle avait dit ça parce que c’était la même texture dense et fragile. Parce que c’était rouge vif et fort, ardent sans pour autant être violent. Elle avait pensé que, pareillement, ça ne tenait pas à grand-chose. Elle avait pensé et décidé de ne pas non plus y penser mais que quand même il fallait le noter ça : le coquelicot c’est atrocement éphémère. Le coquelicot on ne voit que ça dans un champ. Même quand dans le champ le coquelicot est minoritaire et rare, il est majoritaire. Le coquelicot quand tu veux l’observer et que tu le cueilles il meurt. Le coquelicot ne se laisse pas approcher. Le coquelicot t'échappe. Le coquelicot meurt bien plus volontiers qu'il ne s'abandonne. Elle avait pensé à tout ça mais pas trop à cause du vertige et de la peur qui avait le goût de pierre dans la bouche derrière les dents. Elle avait un peu hurlé mais surtout pour se faire taire. Elle avait dit arrête. Elle avait supplié. Elle n’avait pas eu grand-chose à faire pour que ça s’arrête. Elle avait souri. Elle s’était assise. Elle avait regardé sa peau, inchangée. Elle avait massé ses tempes, surchargées. Elle se savait immanquablement autre. Elle avait ri. Elle avait beaucoup ri et avec force en plus. Elle n'attendait rien de plus de la vie.

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