Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

1.13.3

"et lui il te casse le cœur parce qu’il croit que ça va atténuer la sienne de douleur." Facebook, message privé, lundi 21 janvier 2013.

Moi je savais que les mecs avec ton profil astral c’est comme la peste. Ramification de secrets et de stratégies. Fils invisibles et nombreux pour protéger un cœur fragile, inaccessible. Je le savais ça. Je savais aussi que j’ai l’âge et l’expérience. Je connais ton histoire tellement par cœur. Et faut pas croire que parce que j’aime ta chair je vais totalement me laisser faire. Je ne vais pas taire cette façon très gentille que tu as de détruire tout ce qui reste d’humanité en moi. Je ne vais pas te laisser croire que ce que tu fais est rien. Ça n’existe pas rien. Pas dans un monde où les jambes sont comme des pierres tandis que les battements du sang qui circule dans la nuque. Non. Pas dans un monde où la pénombre n’efface pas les lignes sur le corps. Pas dans un monde où la pression des doigts sur les touches du clavier et sur les boutons de l’appareil parlent de ce qui est, attaquant le silence à grands coups de cliquetis, insectes de l’ombre et du néant. Non. Pas dans ce monde en tout cas.

Il ne faut pas, jamais, abandonner le cœur des femmes sur l’autel de la passion. C’est beaucoup trop fort le cœur des femmes. Beaucoup trop beau.

Ce que je veux dire par là c’est que l’eau à la bouche, ça me vient pas facilement. Normalement faut être grand et fort et fier. Puissant. Indestructible. Tu peux leur demander à tous, il n’y a que ça qui m’attire. La dureté de l’homme quand il est là, condescendant, sans douceur aucune. Ce que tu as fait toi c’est simple. Tu as cassé les données de mon équation. Tu as pris mon âme, tu l’as caressée et puis tu l’as jetée dans le chaudron de mon ego. Tu as donnée une nouvelle dimension au mot de frustration. Quand tu as refusé de voir ce que j’avais fait pour toi sur le seuil de ta porte. Quand tu m’as demandé de mettre à nu ma nuit pour toi. Quand tu m’as laissée te donner mes clefs sans être en mesure d’en manipuler aucune.

Il ne faut pas croire que les histoires sont faciles parce qu’on peut les étudier. C’est pire encore, une histoire désossée. C’est pathétique. C’est comme la mort mais dans la vie. Les images perdent en profondeur, leur grain s’éteint.

Alors ta main sur son épaule et ta main sur mon épaule c’est pareil : un geste insignifiant. C’est comme quand on persiste à confronter nos corps alors que l’alchimie est perdue depuis longtemps. C’est comme quand on persiste à faire de nos corps de bons amis alors qu’ils tremblent de se confondre. C’est comme quand tu te barricades dans ton atelier alors que tu devrais me briser tous les os. Ce que tu devrais comprendre c’est qu’il ne faut pas se croire unique. Il n’y a que le moment qui soit unique. C’est la seule chose à honorer. Le reste, les gens, nous, on n’est pas sensés faire autre chose que vivre ce qui se présente à nous, ce qui est déjà beaucoup. Et c’est pour ça que la femme déteste si souvent l’homme. Parce qu’il confond trop souvent sa puissance guerrière à lui et sa puissance nourricière à elle. Parce que trop souvent il a peur alors qu’il ne s’agit pas tant de volonté et de méthode que de respect pour ce qui est : l’envie. Quand elle n’est pas un enjeu mais un fait. Quand elle transforme la peau en plomb. Quand elle atteint des niveaux plus violents que la douleur. Quand elle se glisse dans mon ventre et dans ton ventre, indéniable. Quand elle n’est pas encore salie par l’horreur glaciale du jour qui croit qu’il faut surenchérir ou expliquer. Quand elle n’est pas encore détruite par tout ce qui dans le verbe en fait une performance. Quand elle n’est pas réduite à une arme de destruction.

Inspired by E.F., Le couple, huile sur toile, 150x150 cm, 2012 © 
+http://darkdarkdark.bandcamp.com/track/last-time-i-saw-joe 

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