Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Miranda

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Miranda avait autrefois été un homme. C'est ce que disaient ses papiers. Mais il y avait eu cette fille un jour qu'il avait aimé et cette femme qu'il aimait il ne savait pas pourquoi il n'avait pas pu. C'était impossible qu'une fille comme ça s'intéresse à lui, inconcevable. Alors il l'avait trompée. Pas une fois et pas comme ça, par accident. Par appétit peut être mais surtout pour se salir. Pour rentrer chez lui et la regarder et posséder son corps à elle avec dans son esprit l'horreur de son geste, des images superposées pour le torturer. Miranda quand elle ne s'appelait pas encore Miranda croyait qu'il allait en crever de ce supplice qui faisait que son corps et son esprit passaient leur temps à se rebeller, à le rabaisser, à traîner la beauté de la vie dans la boue pour mieux la sentir. Miranda dit que c'est ça le début de l'histoire, le pourquoi du comment. Que quand il était homme il était triste et sale et seul. Qu'il ne pouvait pas trouver une fille sans la salir et sans se salir et sans salir toutes les autres aussi. Il les aimait pourtant les femmes, surtout la sienne mais il les salissait et comme il se repentait et comme elles l'aimaient aussi elles finissaient immanquablement par lui pardonner parce que pour le reste c'était parfait. Les rires, les sourires, les repas et le sexe, tout parfait. Il avait fini par arriver à la conclusion qu'aucune ne le voyait vraiment tel qu'il était. Qu'aucune ne le comprenait comme il les comprenait elles. Parce que c'était parce qu'il les comprenait qu'il les trompait. Parce qu'il les admirait aussi.

Seul et désespéré un jour Miranda avait décidé de changer sa vie. De s'infliger dans le corps ce que de son corps il infligeait à celles qu'il aimait. De traverser le miroir pour que la souffrance devienne tolérable. De devenir ce genre qu'il aimait tant. Personne n'avait compris ce retournement de situation. C'est ce qu'il pensait et c'était pourquoi il était parti au bout du monde dans un trou paumé refaire sa vie. Elle pensait qu'ils auraient dit mais reste un homme si t'aime tant les femmes. Elle pensait que les explications auraient tout gâché. Elle regrettait pas Miranda. Elle souffrait toujours du coeur parce que c'est un organe beaucoup trop complexe pour le libérer d'un coup de bistouri et de lipstick, c'est évident. Mais elle souffrait d'une façon plus authentique et en adéquation avec ce qu'elle était au fond, avec ce qu'elle sentait tu vois. Miranda pleurait parfois la nuit mais elle avait pleuré aussi avant quand elle était encore un il. C'est juste que ses larmes maintenant avait un goût de sel et une abondance qui la soulageait. C'est juste que maintenant elle pouvait leur parler aux femmes et se faire entendre, partager ce qu'elle sentait comme jamais. Parfois ça lui manquait c'est sûr les attributs du mâle mais il lui suffisait d'enfiler un jean et elle pouvait ressentir encore un peu la puissance d'autrefois. Alors ça allait, un peu.


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