Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Irène

– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe / Belle hideusement d'un ulcère à l'anus. 

Irène gronde dans le salon. Irène s’explose le corps sur le sol de la salle de bain. Irène hésite à se jeter scontre le mur qui l’appelle là. Irène s’assoit à la terrasse d’un café de Belleville où on sert du thé à la menthe pour deux euros et Irène pleure en écrivant. Ça va, Irène pleure en invisible, le stylo à la main. Irène arrête les passants par la pensée et leur transmet toute la merde qui encombre la sienne, de pensée. Irène veut baiser. Irène, assise les jambes croisées et le thé à la main. Irène sait plus par où commencer. Irène veut pas dire pour ne pas que ça gâche le mirage du silence. Irène a faim. Irène veut qu’on la batte.

Les jeux qu’Irène fait parfois avec les mots, sur le coup elle trouve ça drôle. De voir que parfois elle arrive à donner le change. T’as vu, normale et forte. Avec du lyrisme et de l’humour. Presque de la beauté. Il faut pas que ça se sache mais Irène n’y est pour rien si elle est douée. Les mots lui échappent et finalement jouent avec elle. C’est en tout cas la conclusion à laquelle elle arrive là maintenant puisque les jeux de la veille l’ont emmenée bien malgré elle au-delà de ce qu’elle est capable d’endurer normalement. Rire comme ça avec les mots ça l’a transformée en personnage et ce matin quand elle s’est réveillée Irène a bien failli pas se lever. L’image très précise qui s’était dessinée dans sa tête était tellement parfaite qu’Irène savait que jamais la vie ne serait assez clémente pour la lui donner. En se concentrant bien, Irène se demandait s’il ne serait pas possible de quitter le matelas là où elle avait dormi pour aller réellement habiter cette scène qui s'était formée avec des corps, des mains et des vêtements dans sa tête. Le rythme était bien parce que contrasté, même la douceur pleine de tremblements - comme autant de promesses d’une violence à venir. Irène croit bien que son corps a enfin atteint la fréquence juste, celle qui peut ouvrir son buste en deux comme une vulgaire boîte en métal et faire sortir tous les cafards qui grouillent à l’intérieur. Irène sourit à la vie.

Encombrée de mots et d’images, Irène voudrait que sa langue ne prononce plus un son pour que le muscle humide et agile ne vienne pas frapper son palais au cas où ça éteindrait le truc qui brûle en elle. Irène se sent très bête et très puissante à la fois. Irène se dit avec effroi que ça ne lui est probablement jamais arrivé un truc comme ça, aussi près et aussi juste. Quand même dans la réalité elle doit s’assoir pour supporter ce qu’elle ressent. En plus Irène croit vachement à la notion de dette karmique. Irène est jeune mais plus assez pour être naïve à ce point là.




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