Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Meredith

"The sister was not in sight, so She (note the capital) claimed her bag & retired to the toilet to change." March 7th of 1947, a drunken Neal Cassady. 

Avoir un enfant n'avait rien changé à son corps. Ferme, jeune, frais. C'était pourtant ce qu'elle craignait le plus. L'impossible retour en arrière. Le nombre incalculable de responsabilités. Les nouvelles préoccupations. Le mec qui lui ne vit pas ça. Pas comme ça. Elle était pourtant toujours là. Toujours belle. Toujours elle. Et l'enfant, un peu comme une valeur ajoutée. Un truc qui la rassemblait elle et qui lui ressemblait à lui. Un truc qui éternisait enfin leurs rapports. Quoi qu'on puisse en dire, ils avaient fait ça. Cet être là qui n'existait que pour ça: rendre compte de la beauté de leur union.

Que l'enfant grandisse ensuite, s'épanouisse, elle ne s'y opposait pas. Sauf que ça accélérait sa vision à elle de sa vieillesse. Que tout à coup elle avait l'impression qu'il lui fallait un rétroviseur pour ne pas oublier les folles soirées. Mais à part ça, elle comprenait que l'enfant deviendrait quelqu'un. Que ce quelqu'un ne serait plus seulement le résultat d'une union. En attendant, maintenant que la gosse était là, tout ce que sa mère y voyait était ça: le résultat.

Quand elle la coiffait, quand elle l'habillait, quand elle la faisait poser pour l'objectif de sa caméra, elle pensait à lui. A eux. Elle pensait que c'était bien qu'ils aient fait ça, un enfant. Un enfant au moins pourrait transformer en mieux ce qui entre eux ne durait pas. Un enfant au moins pourrait lutter pour exister tandis qu'à chaque gorgée de whisky qu'il buvait elle voyait l'existence de leur couple niée. Elle voyait à chaque fois à quel point leur idylle l'avait flouée. Elle savait qu'il lui faudrait trouver le courage d'embarquer la gosse et de se tirer avant qu'il ne soit trop tard. Elle savait que si elle survivait, que si la gosse s'en sortait, l'histoire pourrait continuer dans d'autres veines, sur d'autres continents. Elle aurait fait ce qu'il fallait faire au moment où il fallait le faire. Malgré elle. Malgré lui.


Aucun commentaire: