Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Solee

Ça saute et ça remue. Ça hurle et ça trépigne. Ça se marche dessus, ça se tombe dessus, c’est hystérique, c’est bouillonnant : la foule.

Communion des corps gluants, cordes vocales déchirées : on vit.

Et puis, ça frappe dans ses mains jusqu’au sang pour conjurer la fin qui n’existe pas et ne doit jamais jamais se produire.

Silence, le groupe au ralenti dans les allées se meut comme un enfant malade : il faut rentrer chez soi, recommencer à se haïr.

A peine passées les grilles du festival, la course poursuite démarre, le réflexe est ancré : oh mon dieu je vais me faire griller dans le métro alors qu’il n’y en a peut être bientôt plus et je suis sûre que l’autre avec son aisselle puante va venir se coller à mon nez alors que j’ai juste envie de dormir mais putain qu’est-ce que j’étais allée faire dans cette galère en plus je suis seule et abandonnée dans un quartier que je connais trop bien dans un quartier qui m’a vue naître là c’est La Poste et c’est là que j’allais à l’école putain je veux me casser poussez vous nom de dieu non pas que j’y croies mais vraiment j’ai des raisons particulières et personnelles de vouloir me casser plus vite que vous en plus vous êtes bourrés alors que moi non pas depuis deux concerts au moins maintenant j’ai juste envie de rentrer et d’être aussi loin d’ici que possible.

Dans l’avenue Jean-Jaurès, le métro dégueule de gens tant ils sont nombreux, ceux qui veulent se presser dans ses artères pour être à l’heure pour aller se coucher parce que demain, il faut se lever.

Pas de taxis.

Un métro plus loin, quelques personnes sortent toutes perturbées : c’est fini, le dernier est parti. Un bus vide ! Ah, non, il va en banlieue. C’est pas grave, la place est gigantesque, les abris bus à tous les coins de rue et les gens encore bien nombreux. Oui mais non, c’est pas si simple, ils ne sont que deux à aller à Paris, ils sont pleins, ils sont ivres et ils ne vont même pas chez toi.

Pas de taxis.

Les vélos de la ville ont été pillés.

Les vélos de la ville ont été pillés.

Les vélos de la ville ont été pillés.

Les vélos de la ville ont été pillés.

Et deux kilomètres plus loin, avec une folle envie de pisser, j’enfourche le premier destrier venu : ça doit être beau, Paris la nuit.

Le long des quais, dans les couloirs de bus, je me demande qui je vais appeler et vers qui je vais voler. Comment donner rendez-vous au passé, au présent et au futur dans la cour carrée, devant la pyramide, sous les arches du Louvre. Quel ingrédient mystère lève le voile sur la vie, sur son sens, sur mes envies parce que de toute façon, il baise très mal, l’autre ne cuisine jamais mais il sait jouer avec moi pendant que tu tires sur la corde alors que tous vous seriez parfait mais dans des vies parallèles où je serais vilaine et gentille, mère et fille, adorée, adulée, détestée mais toujours à l’encre, toujours souillée de mots plus incompréhensibles les uns que les autres. La seule question : pourquoi l’abject.

Et toi qui comme mon père m’emmène faire ce que je veux. Toi qui comme mon père me ramène ce que je veux. Toi qui comme mon père n’est pas mon père parce que tu ne bois pas, tu ne fumes pas, tu ne snobes pas, tu ne perfidies pas, tu ne détruits pas : tu es.

Salut.

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