Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

 

je voulais donc nous voulions, et entrée, elle. devant la mer arrivée, un véhicule riche, neuf, qui avait roulé. nous étions arrivées à la mer, elle était là et il était mort. les boutiques et les portes et les perrons étaient, tenaient, une femme nous accueillait que nous payions. nous lui donnions de l’argent, elle, des lits. elle, ses histoires, que nous écoutions en compassion pour ne pas voir, ne pas dire, ce reste impossible de lui et d’elle, troublées par le bruit, le ressac, l’odeur, les galets que nous ne pouvions plus amener, ne pouvions plus faire polir, ne pouvions plus transformer. savais-je peut-être déjà le phare reproduit aux premières pages d’un livre. phare jusqu’alors inutile, ou normal, phare de station balnéaire devenu figure, devenu phare, repère, depuis qu’un livre et qu’un auteur cheminant le prenait pour départ, pour ancrage contre sa folie qui s’annonce là où pour nous se terre. phare. les frites alors, le poisson, le vinaigre sombre, les habitants, les vacanciers, n’appartenant jamais. la pauvre station dont ne restait pour moi, dont n’existait que la poste banche et rouge pour y avoir acheté, peut-être, un cerf-volant. la mer, pour n’y avoir jamais nagé. la mer infinie et grise, jamais regardée, jamais goûtée. les canons, non pour les situer, mais pour y grimper, l’image de mes jambes trop courtes étirée, doigts de pieds tendus, en appui pour s’élancer, s’ouvrir, enfourcher. canons sans histoires, promontoires, blancs, ou noirs, tandis que les potences sont blanches et que les drapeaux claquent à l’horizon un peu éteint de la mer du nord et que l’ambre reste et que l’herbe est verte, entretenue, ponctuée de bancs, de chemins asphaltés, de barrières. toujours à la mer j’ai voulu aller, elle avait demandé, c’est ce que j’avais trouvé : la mer, pour la mettre entre nous. forcément les canons les avoir pensés, avoir entendu dans la tête l’explosion, avoir imaginé la poudre, vu les étincelles, senti la chaleur, toutes les fois califourchon, probablement même un drapeau. à quoi bon. et la mer, cette mer jamais vue, cette plage si peu foulée, ces brise-lames. ce bois sombre et dressé, ces cabines, ces souvenirs qui ne sont pas miens et n’influencent pas, ne peuvent influencer mon rapport à ce lieu, tout au plus me permettent-ils d’être : là.

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