Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Warum nicht

http://www.youtube.com/watch?v=qEkgiEhxT34&feature=youtu.be

La bonne vieille méthode, celle des cinq minutes volées entre trois lectures à peine entamées et deux découvertes sonores sans grand intérêt. Voilà comment j'écris. Je le dis parce longtemps je me suis demandée comment les autres faisaient, à quel moment ils convoquaient le démon. Ce qu'ils lui donnaient pour l'apaiser et lui faire dire ce qu'il y a à dire. Je n'ai toujours pas trouvé. Ce que je peux te dire c'est que je vis pour écrire et que donc quand tu vis à mes côtés tu sais que ça va finir par écrit. Pourtant, et ça me semble assez évident, on s'en fout totalement de ce qu'on fait côte à côte et de ce que ça signifie pour toi d'être à côté de moi. Le détail de l'activité et des raisons qui nous poussent à faire ce qu'on fait.  Ce que j'en ai réellement pensé. On s'en bat la race. Qui peut prétendre penser, déjà? Qui peut penser une seule seconde que ce qui importe ce sont les conséquences des actions que nous entreprenons? Il me semble que les actions valent en elles-mêmes, absolument, d'une façon presque sacrée qui fait que l'écriture est un sacrilège. Moi le vilain petit scribe, quand je salis le passé d'un évènement, c'est simplement parce que c'est dans la crasse que les mots me viennent. Si ma mécanique mentale me le permettait, j'écrirais des papillons sur ces mêmes actions. Et papillons ou poissons, faut pas se leurrer, ce n'est pas dans la tonalité de ce que j'écris qu'il faut chercher à me lire. Ce que je fais, c'est figer deux ou trois éléments qui ont importé dans la matière d'un style qui est un matériau. Tu peux étudier ce matériau comme tu pourrais étudier les composantes de tel ou tel béton. Tu peux aussi chercher à saisir les fragments que j'ai voulu capturer. Je ne crois pas que cette recherche soit pertinente pour autant mais tu peux le faire, c'est techniquement possible et ça s'apparente à une forme assez malsaine d'archéologie. Ce qui est magique et que je voudrais arriver à faire dans tous les cas, ces relier certaines expériences radicalement distinctes mais qui résonnent en moi et me permettent d'aller plus loin que la linéarité apparente du langage tel qu'il se présente. Ce que je voudrais faire c'est rendre compte d'un monde qui n'existe qu'en moi bien qu'il soit le même que le tien. Et je ne voudrais pas faire ça pour dire que mon monde est meilleur que le tien. Je voudrais le faire parce que je trouve simplement incroyable cette indécrottable solitude qui nous rend imperméables au monde tout en y étant, dans le monde. C'est débile et c'est limpide et c'est naïf. J'aime cette bêtise. Je la chéris. Je voudrais être la femme la plus imbécile au monde. Je voudrais passer mon temps à faire l'enfant qui observe, constate et dit des évidences mille fois observées mais qui les dit dans sa langue unique et incomparable, indestructible. Je voudrais continuer toute ma vie à être incapable de te dire ce que je fais et à être pourtant obsédée par ce que je fais au point de me foutre du reste. Je voudrais toute ma vie être cette idiote qui doute et qui fait malgré tout. Qui est fière et qui a honte. Je voudrais ne faire que ça. J'espère peut être qu'un jour une phrase touchera quelqu'un quelque part mais ce n'est pas mon but et dans le fond je m'en fous. Je le souhaite mais je m'en fous. Je pense que le geste de l'écriture est égoïste. Je pense qu'il faut être un peu autiste. Je pense aussi qu'il faudrait que j'en finisse avec ce besoin de dire pour que tu comprennes. On s'en fout que tu comprennes. J'écris, qu'y a-t-il à dire de plus? Que pourrait-on ajouter à cette définition déjà lourde de sens? Que plus j'écris moins je parviens à le faire sur commande, comme si le travail tel que je l'entreprends me rendait de plus en plus inapte au travail tel qu'il faudrait l'entreprendre pour pouvoir être lié aux autres. Comme s'il m'était impossible d'obéir à aucune autre injonction que celle du style, de l'envie ou de la pulsion. Comme si ce qui importe en moi devenait de plus en plus capricieux à mesure que je lui sacrifie ma vie. Comme si le monstre n'était pas tant dangereux à cause des états émotionnels dans lesquels il me fait voyager qu'à cause de sa nature vampirique. Et que le drame dans cette histoire c'est que plus il prend de place plus je me fous du reste. Et qu'en plus de tout ce drame me rend heureuse comme jamais. Et qu'en plus de tout il me semble qu'il est le seul à même de me permettre de voir le monde tel qu'il est . Que ce vilain petit monstre qui m'arrache à tout ce qui en vous sonne faux est ma seule fenêtre sur le monde et que je l'aime.

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