Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Josie

« Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu'aujourd'hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu'elles ne cessent pas d'obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu'à l'esprit. Qu'il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu'elles ont simplement besoin d'un bon maître, et qui se défie de sa bonté… » Jean Paulhan

Depuis toujours Josie savait quel crime elle avait commis. Naître femme. Dans un corps de femme. C'était dégueulasse. Penser depuis cette carcasse-là. Depuis ce genre là. Dégueulasse. La vermine, qu'ils l'appelaient. Quand elle criait parfois la nuit. A cause des rêves qu'elle faisait de lui. Son maître, son Dieu. Le seul à l'écouter pleurer et à trouver ça beau, puissant. C'est vrai que le principal problème avec lui était qu'il n'existait pas. Qu'il ne pourrait pas, du fait de sa nature mythologique, leur dire à eux de la respecter elle. Leur dire à eux que quand elle écartelait des souris pour tester leur degré de résistance à la vie, c'était juste pour tenter de savoir combien de maltraitances elle pourrait encore endurer. Leur dire à eux que les éclairs qui brillaient parfois dans ses yeux n'étaient pas littéralement contre eux. Qu'ils n'étaient qu'un écho de l'être primal qui someillait en elle et qu'elle faisait tout pour apaiser. Par considération pour eux.

Josie était très seule dans la vie. Intensément occupée à observer, toucher, explorer les infra-zones de sa vie et des corps d'autrui. C'est que Josie n'hésitait jamais à plonger ses yeux dans ceux de son prochain. Il en résultait généralement ses dents dans la peau du voisin. Ses doigts-tentacules plongés dans les cous,  répendus sur les torses. Jamais plus loin, ça l'intéressait pas. Sauf si eux oui. Alors là elle se laissait faire et gémissait sans bruit. Enregistrant la consistance du toucher de l'autre, sa plasticité. Absorbant de ses narines les effluves divines du désir grimpant.


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