Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Loretta

I can strip you of life/Strip you of breath/Ship you down/To the house of death

La douceur chez un homme, ça n’existe pas. Les bonnes intentions ça n’existe pas. Le velours ça n’existe pas. Loretta égrenait comme ça depuis des heures le nombre de choses auxquelles elle ne croyait pas – auxquelles elle ne croirait plus.

Les codes vestimentaires la fatiguaient. Les bougies lui semblaient ternes. Les conversations sans intérêt. Quand les gens commentaient la cuisson de la viande et les travaux de l’appartement, elle voyait le temps passer, le soleil se déplacer, la poussière tomber. Tout ce qui l’intéressait n’intéressait qu’elle.

Loretta s’assoit souvent sur les berges et regarde les gens passer. Loretta se tait. Loretta attend. Elle se dit qu’en priant un peu plus fort, en regardant plus intensément, un jour un mec s’arrêtera. Loretta sait pas. Loretta veut bien. Loretta sourit - mais du dedans.

Ce qu’on appelle liberté, Loretta le vit dans les interstices. La fourchette qui se plante dans la viande à l’endroit très précis où ses dents entrent en contact avec les traces de cuisson. Les gestes que son corps fait de ses tripes sur les sons rugueux. Les plis qu’elle fait subir aux plaquettes de médicaments. Le parcours de ses doigts ou de son regard sur toute nouvelle matière, humaine ou animale. La structure de l’intime. Loretta, épanouie, jouit de ces espaces-là. Ne jouit que de cet espace-là.


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