Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Georgetta

Holding on to memories a million miles from here/Opiated, medicated, dreams are all I hold dear/A million miles from here/Won’t you come over and rescue me?

Si elle avait voulu, Georgetta aurait pu étudier l'histoire de l'art en Italie. Elle aurait aimé un jeune con riche. Il aurait été violent. Il aurait été cinglant. Il l'aurait battue jusqu'au sang. Le soir, sous les lustres en cristal, il lui aurait dit de resserrer son foulard pour qu'on ne voie pas. Il aurait acheté des perles pour ses oreilles et du velours pour ses serres-têtes. Les cheveux gonflés sous l'effet du brushing, elle aurait paradé à son bras.

Si elle avait voulu, Georgetta aurait pu devenir danseuse professionnelle. Elle aurait aimé un amant indigne. Elle se serait fait avorter comme Cynthia. Aurait elle-même eu un nom de scène au moins aussi affriolant. Elle aurait joui de mille regards sur son corps. Tous les soirs de la semaine. Sous les projecteurs. La sueur qui colle et la poudre qui étouffe les pores mais le sourire éclatant. Un beau rouge bien luxe, apposé par une maquilleuse professionnelle. L'amour dans les yeux des hommes, la haine dans ceux des femmes.

Si elle avait voulu, Georgetta aurait pu s'enfuir. Seule, vendant la moitié de ses bijoux, elle aurait pu vivre longtemps, libre et fière. Elle aurait pu se forger un chemin de vie à elle. Elle aurait fumé des cigarettes roulées, défendu des idées débiles mais bien à elle. Un jour le bras d'un homme mais peut être pas. Celui d'une femme. Celui d'un chien. Un enfant à elle, même, peut être. Des logements sordides et charmants. Le tourbillon infernal des capitales occidentales. Et sa famille, loin derrière le rideau de fer.

Georgetta savait ça.


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