Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa
Il savait très bien ce qu’il faisait : il avait vu l’étendue du désespoir prendre le dessus entre chacun de ses sourires. Il connaissait le mensonge éclatant de ce qu’ils nommaient la fête. Les bretelles qui se croisaient dans son dos et la chair de sa nuque qui ne faisait que camoufler sa nature mortelle. Le plus éclatant : l’abyme de son iris à elle. La guerre qui menaçait. Le silence oppressant de la foule. La joie qui arriverait malgré tout à prendre le dessus dans la fulgurance de l’instant. La lutte qu’elle entamerait ensuite contre le temps pour forger le souvenir de ce qui est passé. Tout ça, il le savait.

Les plis de son nombril, les poils, le duvet sur sa cuisse, les poils vindicatifs qui revendiquaient leur appartenance au corps. Ceux qui poussent même après la mort.

Il savait le goût de l’océan, son odeur et son rythme glacial. Il savait comment le sable crisse. Il savait comment le soleil, même absent, brulerait leur rétine.

Il savait la ville et ses rues vides. Il savait les draps, il savait le lit.

Ce qu’il ne savait pas, qu’il ne saurait jamais, c’était ce qu’elle en aurait dit.

Aucun commentaire: