Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Femme de lettres

Tu dis les mots tu vois, c'est ton matériau. Comme si c'était simple, comme si c'était ça. Comme s'il n'était pas évident que le problème de ce genre de raisonnement limité c'est qu'il ne tient pas compte de l'indubitable fourberie du langage.
Tu me dirais que ce n'est pas le langage qui est fourbe. Parce que tu me dis toujours l'exacte vérité. Tu me dirais que c'est le réel, celui qui castre les mots à l’orée de ma bouche. Celui qui ressemble à ce qu'il est: la pathétique impasse de mon entendement.
Pendant ces temps, pour tenter de me contrôler, je laisserais mes doigts se nouer, incarnation physique de ce que je voudrais bien en dire. Je laisserais mes doigts se nouer et je ne saurais pas quoi dire d'autre que oui peut être. Parce que je ne sais pas, à force de trop réfléchir, si j'ai encore la force de réfléchir.

Au bout d'un moment, très bref, j'aurais envie de fuir de peur que tu ne remarques à quel point je m'embourbe. Au lieu de ça, je parlerais beaucoup trop pour tenter de te donner à toi l'envie de me faire taire. Je deviendrais hystérique du dedans, ce qu'ils appellent féminité.

Après une heure ou deux ou quelques jours j'écrirais ceci. Tu penseras que c'est de toi mais c'était de lui et d'eux aussi qu'il s'agissait.

On finira par se dire que c'est fini avant de naître, comme toujours. Que j'aurais mieux fait de faire et de me taire. Que je l'ai choisie, après tout, la route que j'ai choisie.

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