Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Some might stick

J'ai emprunté un Duras. La suite d'Outiste, le monde extérieur. Et je le lisais ce week end, à défaut de savoir comment réagir. Quelqu'un m'a dit que j'utilisais le monde extérieur pour fuir dans mon intérieur et ce n'était pas faux. Elle m'avait manqué. Pendant un temps, j'ai cru que sa voix était fausse et qu'elle posait. Pendant un temps aussi, les effluves du whisky m'ont saoulée. Dans tous les sens de ce putain de terme. J'hésite encore à quitter mon psy pour Jack Daniels mais je préfère. Champagne!

Tu vois, elle dit quelque chose que je peux te dire. Tu vas comprendre. C'est même à peu près ce que tu dis toi. Elle dit l'écriture ou la vie. Non qu'elle parle de Semprun. Bien au contraire, même quand elle répète juif à tout bout de champ pour dire qu'elle ne peut pas être et comprendre ce qu'elle n'a pas été. Elle pense et exprime ce que je pense en silence: l'écriture ou la vie. Et c'est plus qu'une question de passion. C'est le choix impossible. Moi, Pérette, je veux mon petit pot de lait, le sourire de la crémière et le cul du jardinier. Et je veux que ça se passe en douceur. Je veux être qui je ne suis pas: le courage. On parle d'être bravache je crois. Tout le monde s'accordera avec moi pour dire que je suis pourtant une sacrée lopette.

Je veux être une pute et aimer les femmes mais elles me font peur. Je m'accroche à la bite de mon mec parce qu'elle est grosse et facile à trouver quand tout est noir. Je m'y accroche aussi parce que je l'aime, elle me fait de l'effet comme on dit. Mais lui, il me fatigue. Quand il joue et qu'il ne lit plus. Quand il compte ses pièces et pense à la maison qu'il veut acheter. Il me fatigue et il me dégoute. Je l'aime (bien) pourtant, il est plein de mystères et de ressources. Mais il veut que j'écrive sans être prêt à faire face aux conséquences. Il veut que j'écrive comme il veut que je tricote, pour lutter contre les soirées d'hiver.

Je mens, bien sûr, encore, il ne veut rien si ce n'est ce que je veux et à condition que je le veuille. Il ne veut pas que je lui en veuille mais la tentation est grande. Rejeter la faute plutôt que de la porter. Rejeter la faute plutôt que de l'abolir. Avoir assez confiance en soi pour arrêter le mépris. Je ne sais pas faire. J'ai peur et je pleure. Petite enfant gâtée, petite enfant pourrie, petite enfant défigurée par un passé innommable et oublié.

Tu sais, je ne crois pas qu'on écrive par choix. Je reviens ici sur ce que je disais plus haut. J'y reviens parce que c'est important: on ne choisit pas plus les mots qu'on ne choisit le sexe. Le trou ou l'appendice. On fantasme peut être, on espère, mais on est jeté dans le monde avec ça en soi: le sexe et les mots. Il y en a pour qui la question ne se pose pas: c'est naturel. Moi, je ne sais pas. Est-ce que je veux les mots, est-ce qu'ils me veulent? Ce qui est certain c'est que les livres me dévorent, qu'ils coulent en moi et me coupent de ce monde extérieur. Ce qui est certain aussi, c'est que ça m'arrange, tellement ce monde extérieur est vulgaire et énorme, tellement il est incompréhensible pour un petit gabarit comme le mien.

Ce que je dis ici, en somme, c'est que je ne pourrais jamais choisir et dire: je suis. ici. ceci. Tout au plus pourrais-je le constater, ensuite. Peut être même arriverais-je à y faire face sans rougir. Mais prendre mes couilles en main et rugir, ça jamais.

Pour ce qui est de la publication, autre question mentionnée par M.D., je ne sais pas. N'ayant pas très envie de vanter les mérites d'une écriture pulsionnelle et mal informée, je m'imagine mal sur le papier. Après, le virtuel, c'est parce que ça correspond bien à la lopette. Trois lecteurs et demi, dont deux au moins sont de moi. C'est possible, disponible. C'est noyé, c'est menti. Parfois c'est pour me venger mais très peu, en vrai. Il s'agit plutôt de questionner ou de faire écho à cette phrase, le mojo du door canvasser: "See the wall? Throw as much shit as you can. You never know: some might stick".

Aucun commentaire: