Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Négatif



Cette envie de mer, la passion des embruns, de ce ton gris bleu vert insaisissable qui nous a toujours hypnotisées. Le vent qui bat, qui nous lynche au sel et nous cingle jusqu’aux larmes. L’hôtel des roches noires a perdu tout son charme du moment qu’il est entré dans mon champ de vision. On pensait feux de cheminées, lettres dégoulinantes sur du vieux papier. On pensait qu’on écrirait, le verre de rouge à la main. On pensait que l’image d’Épinal pouvait nous remplir, qu’on y arriverait, que la vie n'était sordide que pour les autres. On espérait n’avoir rien des autres. On espérait avoir du talent. On pensait qu’en existant, on avait déjà fait la moitié du chemin. On pensait peut-être. On ne pensait pas. On ignorait volontairement le mal insidieux de la banalité. On pensait qu’avec le temps tout s’arrangerait. On pensait peut être qu’on ne vieillirait jamais. On pensait surtout qu’on écrirait toujours.

C’est ce vilain temps qui passe, qui fait des traces et qui trace des lignes qui se bâtissent en murs entre les gens et toi et moi et nous qui disparaitrons malgré tout, malgré nous. C’est cette salope de vie que l’on voulait vraie et qui se mue et qui glisse inlassablement sans qu’on n’ait jamais pu poser une quelconque pierre. C’est que d’angle ou de primauté ne restent que les souvenirs et les projections puisque le présent n’arrivera jamais et que nous ne dirons jamais rien. Puisque le présent est mort et que nous ne pouvons que nous taire. Puisque le présent n’a pas de sens et que nous ne sommes rien.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tiens, voici ce qu'elle m'avait inspiré ,à l'époque, cette photo d'une plage bretonne

"Dimanche soir et pourtant je ne ressens pas la tristesse habituelle du dimanche, son appréhension, son égarement devant l’inquiétude qui ne trouve pas de prise. Les derniers nuages là-bas, les dernières teintes délivrées par un soleil trop las. Le visage, derrière l’horizon, de cet homme en face de moi, dans la vitre. Violateur. Son regard, gêné devant l’insistance avec laquelle je m’y arrête, sans peser pourtant. Mais ce n’est plus vous que je vois. Je vous ai déjà perdu contre l’immensité mariée avec le soleil, contre elle, la mer, mon envie. Cet effet toujours perturbant de la continuité entre la terre et le ciel, une passerelle, la mer dans le ciel, les nuages deviennent ses plages, prometteuses. La voix masculine dans le wagon, brutale, hurlée, si rapide. Le calme alors, le bercement de la ventilation sur les corps relâchés. On n’écrit jamais mieux que dans les trains, dans la nuit espérée, en marche. Comme si l’obscurité jointe au mouvement du train permettait aux corps de s’oublier et aux pensées, libérées de l’agitation du monde, de se retourner sur elles-mêmes, de redécouvrir ce corps qui les héberge.
Un désir violent, de la mer, de ses chants, sa douceur. Une douceur sans fond, qui s’épanche pour n’être jamais rassasiée. La tension du corps, sur la peau. Un vide qui ne se comprend pas et qui se cherche. Dans ta peau et ses imperceptibles mouvements. Dans leurs gestes, dans leurs yeux. Dans ce brouillard où ils se perdent. Dans ce regard qui vient de toi aussi. Dans tous vos sourires, dans leur immensité de chaleur. Dans un regard inconnu, ses interrogations. Dans votre démarche maternelle et sa tendresse, déposée, sans faire exprès, sur ma peau. Je vous la dérobe.
Je vous la rendrai, bientôt, quand elle aura fait le tour du corps, quand elle m’aura apprise."

Je t'embrasse,
Cous

Claremary a dit…

merci*