Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Vénus à la fourrure

Ses feuilles exhalent la moiteur d’un automne abandonné. Glissant sous ta corde, elle crève. Une pluie de dômes nucléaires et tranchants brille dans le lointain. A l’horizon, la larme acérée d’un pic se détache, d’un gris étincelant. Minuscule, effondrée, une maison cache tes instruments. D’un blanc-gris devenu jaune, ses reflets verts sont aussi neutres que le rose flasque du ciel. Par la fenêtre souvent, tu admires les restes fluviaux d’un puy qui s’effondre régulièrement sur vos vies. Le blanc de l’aube est un inconnu ; vif mais gluant, une délicieuse pourriture. Quand le jour déroule lentement son suc, tu te laisses couler à la surface de cette texture mielleuse et puante. Le silence, enfin, assourdissant, berce ta danse et brûle les arbres dans ses bras livides. Il pleut.

Visqueuse et sèche, son enveloppe paraît au bord de la gerçure.

Un abat jour à la peau cramée diffuse une lueur d’ambiance un peu trop molle dans une pièce jonchée de mégots et d’emballages suintant l’huile de cuisson bas de gamme des fast food qui ponctuent les routes désertes de vos voyages. Tu aimes.

De sa peau d’ours miteuse s’échappe un membre dont la difformité rend toute identification impossible : jambe ou bras, transparent mais jaune. Tu aimes.

De ton fauteuil éventré, tu regardes la masse étonnante de ce qui fût femme. Tu aimes.

Les arbres décharnés peinent à suivre le rythme du vent dans cette région pourtant constamment balayée. Statiques et stoïques, ils ressemblent à ton sentiment et tu aimes.

Lorsque le soleil lèche les vitres sales de ton antre, il arrive qu’un rayon se glisse jusqu’au lit et éclaire la masse autrefois velue. Tu dénoues immanquablement les voiles sales de tes fenêtres pour protéger la putride de ton cœur. Aujourd’hui, tu as vu un os. Ou peut-être était-ce hier. Le malheur de l’overdose c’est qu’il n’y a que peu de sang dans l’affaire. Tu aurais voulu des jets ou une rivière, quelque chose de théâtral et tu n’as eu qu’une morve rougeâtre, un petit saignement de nez.

La prochaine fois peut-être.

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