Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Mélanie

Le coeur de battre atroce douleur ça tire sur les tendons, ça claque, jamais rien senti comme ça. Mélanie le sang dans la tête les pieds et les liens autour des pieds qui brûlent qui tirent eux aussi qui ne sont rien rapport à la peur la certitude de savoir que cette fois pire encore que toujours pire que jamais rien issue que tout prétexte à la douleur du coeur qui tire sur les tendons peut-être un jour les tendons craquent et la libèrent Mélanie de la peur de savoir que sans raison les pieds liés la tête en bas les mecs et leurs fouets. Mélanie là comme ça pour servir sourire sans plus tenir debout laver manger la merde.

Et le plaisir qu'ils ont à regarder qu'elle sent hurlant la mort de tout la facilité le coeur moins douloureux que la chair qui n'est plus que feu pourquoi là comme ça simplement pour le regard la possibilité la limite à jamais qu'est ce qui la tuera en premier à quel point son corps son âme

Mélanie ne le sait pas ça, elle l'imagine à regarder l'image impossible de cette femme réelle dans ce décor réel frappée par des hommes réels observée par les hommes et par les femmes et par elle sur l'écran réel de son ordinateur à travers un lien redistribué au hasard trouvé là et Mélanie désarmée à voir une autre Mélanie frappée à savoir la peur incapable d'entendre la douleur de réagir c'est pas possible même pas de haine la bouche ouverte les mots zéro les mots quels mots dire quoi de ça Mélanie frappée regarde la déconcertante facilité du geste entend la profondeur du cri voit la possibilité qu'elle a d'avoir un avis l'impossibilité qu'elle a d'avoir un avis l'intolérable réalité là sur l'écran là vraie là comme ça rien à dire que faire rien. Mélanie tremble et crie Mélanie absorbe la douleur de Mélanie frappé Mélanie veut l'absorber la refuser. Mélanie vidée Mélanie regarder les gens dans la rue réelle entendre les conversations dégradantes d'humains dégradés affaiblis affadis sur le point de s'effacer. Mélanie de hurler. Les passants les cafés les distributeurs les allocations les parachutes dorés les insecticides les histoires oedipiennes et la belle mère tarée. Mélanie hurle. Sur l'écran Mélanie toujours frappée à jamais frappée avec la même déconcertante facilité. Le même cri impossible du réel qui se répète. Les méchants galeristes et le mec qu'a rien compris avec son ego surdimensionné le prix du pétrole et les retards de trains. Mélanie en est à s'écorcher vive pendant que Mélanie frappée le coeur usé la chair en feu.

Assise sur le quai de la station La Chapelle, Mélanie s'est figée. Sel retourné. On n'a plus rien su d'elle.

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