Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Les ailes atrophiées du goélant

Sartre, ce gros moche qui a su tirer profit de toutes les pépites de son époque (le Castor par exemple), n’est certainement pas le premier à l’avoir observé mais il l’a dit : nous sommes condamnés à choisir.

Et, depuis quelques semaines-mois-années je me demande si je préfère les phrases construites ou explosées, l’écriture manuscrite ou les facilités du clavier, si je dois être scrupuleuse ou accidentelle, langue maternelle ou paternelle, si j’ai envie ou vraiment besoin. Et je repense à Rilke parce qu’il m’a mis une vilaine claque le jour où il a dit à son destinataire que s’il pouvait faire autre chose qu’écrire il ferait mieux de le faire. Je suis sûre qu’il savait que j’allais finir par tomber sur ces lignes et me torturer les méninges à savoir quoi faire d’autre et si j’avais le droit de prétendre au sceau sacré de l’écrivain maudit. C’est vrai quoi, depuis ma naissance je sais que je suis une blague. 

Je racontais tout à l’heure à mon magnéticien le délire de ma nomination, visualisant avec une acuité extrême le rire de mes géniteurs : mère voulait que j’affiche les racines et, puisque son nom du fait de formalités administratives faites pour nous simplifier la vie n’était pas le mien, elle décida de rajouter un prénom, celui de Grangran, à l’étiquette de clarté déjà attribuée (allez savoir pourquoi ils ont choisi ça, le prénom Claire m’a toujours paru peu à propos (rapport aux secrets de famille)). Seulement, Grangran s’appelait Vera et papa voyait déjà les sarcasmes des copains à cause de verrat, le cochon mâle non castré qui habite dans son cerveau (celui de papa). Alors mère dit « pas d’soucis » (avec l’accent de Birkin), « Grannie a deux prénoms : Vera Mary et Mary c’est joli. » Ce qui est tout à fait vrai. Sauf que lorsque mère annonça la nouvelle à Grandad, quelques heures après le passage de Dad à l’état civil, gros flop. En effet, le papi ne réagit pas tout à fait comme prévu à la douce mélodie de Claire Mary. 

Je vous joue la scène :
Mum « Elle s’appelle Claire Mary. »
Grandad « Oui, ma chérie. C’est joli.»
Mum « Mais Daddy enfin, Mary ! »
Grandad « Mary, vierge à vie. J’ai compris ? »
Mum « Non Daddy, Mary comme ta mère. »
Grandad « Alors là chérie, j’vois pas du tout où tu veux en venir, ma mère s’appelant Vera Muriel. »
Mum [crise cardiaque mais elle survit parce que je suis née : elle peut pas déjà crever vu que je suis en couveuse, entre vie et mort. (J’ai toujours eu un sens du suspense bien placé)]

Alors, comprenez, moi maudite et romantique ? Beaucoup de dents écarquillées et de postillons envenimés sont venus décorer mon imaginaire en réaction à cette question. Parce que, autant du goéland j’ai la démarche peu assurée mais, du fait de mon côté vagin rentré, j’ai pas la bite de géant et j’ai beau tenter d’agiter les ailes de mon utérus, le looping de malade sur fond de ciel étoilé semble plutôt hors de portée.
Ce qui nous renvoie à l’éternel recommencement de mon questionnement : pourquoi j’écris ?
Et je crois que je ne le sais pas encore.

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