Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Oeil pour oeil

Tant que tout roulait, il semblait que l’invention de la machine était de loin la meilleure chose qui soit arrivée à Paris. En fonction des préférences des habitants ( et les habitants avaient su déménager en fonction de ces mêmes préférences), on pouvait passer d’une rue à l’air ponctué de feuilles dorées virevoltant comme des jeunes premières à une place ensoleillée pour ensuite voir le parc de Montmartre aux végétations en dégradé : un algorithme permettait aux feuilles de passer du vert au rouge grenat de façon alternative sans pour autant perdre leur naturel. Et, parce qu’il faut rendre à Pedigree ce qui lui appartient, les parisiens ont ainsi révélé un réel sens esthétique et pratique : le quartier du sacré cœur oscillait entre l’automne et l’été tandis que Saint Michel était toujours sous la pluie (ça fait plus romantique) et que les tuileries faisaient du 50/50 entre neige et grand soleil (histoire de ne pas abîmer les jeux pour enfants). Il va sans dire que le tourisme explosa : toutes les saisons sur 105 km², c’est un argument imparable. Surtout quand on a l’architecture qu’on a.

Et puis un parti extrémiste mais intellectuel et composé principalement d’autochtones, pour ne pas dire un parti légitime, se mit à parler de variété, à évoquer la malchance des habitants de Bibliothèque François Mitterrand dont la passion pour le soleil ne s’accommodait pas avec le pourcentage de surfaces en verre qui accentuaient le phénomène et avait fini par causer un incendie dramatique réduisant en cendres les derniers ouvrages papiers conservés. Autant vous dire que ce fût un excellent détonateur : les ardeurs des vieux bourgeois conservateurs se firent entendre jusqu’à la Chapelle. Pour plaire à tout le monde et surtout augmenter le tourisme, la mairie vota pour une alternance des saisons, histoire que les gens reviennent découvrir les quartiers parisiens sous des cieux plus cléments ou dans l’ouate de la neige. Une motion proposée par JoyeusesVacances enchanta le maire : en mettant les saisons en lecture aléatoire, les touristes ne pouvaient pas prévoir leur venue en fonction de la saison. Résultat : un boom du tourisme, des séjours prolongés, Paris destination rêvée.

Aujourd’hui, le maire ne sourit plus parce que son chirurgien ne lui promet pas de pouvoir repousser plus loin l’apparition de sa première ride. Aujourd’hui, la machine fatigue. La panne est de plus en plus fréquente et le pays craint pour les chiffres du tourisme : le sacré cœur ne paye pas de mine sur un fond blanc. Même les toits d’ardoise ont l’air con et c’est sans compter sur la tour Eiffel qui ressemble à une antenne disproportionnée.

En plus, les Etats-Unis ont trouvé une parade : ils proposent un voyage en Arizona tempéré grâce à une machine reproduisant les saisons sans varier leur effet sur le climat.

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