Les mots qui sont forcément de trop. D’un autre côté, ne pas en faire trop. Après tout, c’était la vie ici aussi. Avant la mort. Malgré la mort. La différence c’est que le bus qui nous attend sur le parking est une certitude. Que la casquette pour lutter contre la chaleur personne nous l’enlèvera. Que nos lunettes on les gardera.
C’est juste cette façon de rester en groupe. Serrés. Les coudes pour se rassurer. Les regards qui s’échangent. Les livres qui dépassent des sacs. Parce que la lecture est une bonne façon de combler productivement l’attente de tous les voyageurs. Parce qu’il est difficile de ne pas céder à la tentation documentaire quand on fait un pèlerinage comme celui-là. Parce que le savoir, les chiffres et les histoires sont autant de remparts contre l’oubli. Le problème ici c’est que voir c’est pas savoir. Je peux m’éloigner du groupe. Toucher les murs. M’allonger sur le sol. Je peux courir en hurlant. Ça changera rien à ce qui s’est passé. D’ailleurs. Je ne pourrais jamais le savoir. Ce qui s’est passé. Je pourrais encore moins l’effacer.
Que ce lieu existe. Qu’il existe encore. Qu’il ait été pensé. La rationalité du geste. Son absurdité. Son horrible normalité. C’est efficace. Et tout ce que je dis, tout ce que je vois, tout ce que je sens : la vérité banale. Ce que tout le monde dit et voit. Ce que tout le monde sent. Ce que personne ne peut exprimer. Cet au-delà des mots qui fait que le silence est la seule monnaie d’échange qui soit possible à ce sujet. Ce silence contre lequel il faut pourtant lutter. L’envie de tarter les gosses qui se marrent devant les varices de la mamie qui pleure. L’envie d’aimer les gosses qui se marrent.
C’est que ça semblait assez évident au départ, l’idée de faire ce voyage. Un concours de circonstance. Une possibilité cohérente. Un truc important. Depuis le départ pourtant, tous se regardent et se demandent quelle curieuse divinité les a rassemblés dans ce bus. Comment cette expérience fondamentale de la confrontation au mal va bien pouvoir les changer. Ou peut être qu’il s’agit moins de se changer que de faire l’effort de se déplacer. D’aller vers l’absurdité malgré l’absurdité.
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