Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Hannah

Dans cet étrange carnaval On a vendu l'homo sapiens Pour racheter du Neandertal. Je vous attends. Et les manufactures ont beau se recycler, Y aura jamais assez de morphine pour tout le monde, Surtout qu'à ce qu'on dit, vous aimez faire durer.  Alligator 427, Hubert-Félix Thiéfaine

Lui il écrivait comme ça, pour dire. Il le faisait bien, il avait fait les études pour quelques années auparavant. Sur un campus beau comme un blockhaus géant. C’était pas son seul truc à lui, l’écriture, c’est juste qu’il le faisait d’une façon particulière qui la touchait elle systématiquement. En théorie comme ça, à les voir ensemble, n’importe quel passant aurait hurlé au scandale. Rien à voir. Age, catégorie socioprofessionnelle. Accent. Talent. Oui parce qu’elle pour le coup était pas comme ça. Plus superficielle. Moins granit et plus argile. Elle s’effrite facilement.

Il lui avait fallu d’ailleurs à peu près trois ans à elle pour trouver un angle d’attaque bien détourné. Un prétexte officiel. Un truc derrière lequel se cacher. Une façon comme une autre de ne pas vraiment oser. Avancer masquer. Sans vraiment avancer. Sans pouvoir reculer. Comme un animal fragile hypnotisé par les phares d’un bolide déglingué mais massif. La haine. Le lâche a toujours la haine. Même quand il est femme. Même quand il est faible (au sens où ça justifie sa lâcheté, il se protège). Et puis le lâche se cherche des excuses, se dit putain mais ça marche pas comme ça. On n’est pas séduit par des mots. Ça n’existe pas. C’est un truc pour les poltrons du virtuel ça les mots. Dans la vraie vie il y a la chair. Dans la vraie vie il y a l’alchimie. Dans la vraie vie on ouvre des pantalons sans hésiter. On sait y faire dans la vraie vie.

Alors Hannah se mentait à tout va et cherchait ailleurs. Se cachait sous ses draps. Rougissait devant sa boîte mail, devant son téléphone. Emettait des couinements dès qu’une manifestation de son existence à lui l’atteignait. Et elle avait honte Hannah alors elle sortait les nuits de pleine lune dévorer des gamins de vingt ans et encore pas vraiment. Juste comme ça. Parce qu’avec son gabarit elle pouvait passer pour moins âgée. Parce qu’avec son profil elle pouvait passer pour fascinante au lieu de chiante. Parce qu’avec l’alcool elle pouvait leur faire oublier.


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