Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

If he wants

As I walk this line,
  I am bound by the other side 
and it's for my heart that I'll live
cause you'll never die.

Warpaint, Billie Holiday


Trois rectangles lumineux l’hypnotisent - et le ballet des feuilles sombres du boulevard coupant le monde en deux, entre la table du bistrot, en équilibre sur le trottoir, et ces nids lointains. Il est impossible de se concentrer sur autre chose, impossible d’entendre la conversation et d’y participer. Impossible aussi de laisser son esprit vagabonder, aller questionner les nœuds de l’estomac. 

Comme une mouche ou un papillon, pas beaucoup plus de réflexion. Ont-ils aussi un poids dans la poitrine, hypnotisés qu’ils sont par la magie de la lumière ? Car si la vue du paysage urbain nocturne est si agréable, il lui semble absolument frustrant de ne pouvoir caresser ses images, de ne pouvoir toucher de la paume de sa main ce que sa rétine imprime dans son cœur. 

Un instant de plus et c’est fini, les demis sont vides, un peu de mousse séchée là où, par pallier, on a laissé la bière attendre. Et plutôt que de pleurer la séparation, tout en ne sachant pas pourquoi aller d’un côté plutôt que de l’autre, elle grimpe dans la ligne deux. C’est qu’il y a ce moment, entre Jaurès et Stalingrad, où pendant cinq secondes, le Sacré Cœur vient se dresser dans le lointain. Cinq secondes pendant lesquelles elle se colle le nez contre la vitre du métro, à chaque fois. Ce soir c’est rassurant, c’est connu, mais c’est toujours aussi beau et douloureux. Tout comme ces façades, ces lampadaires et ces fenêtres auxquelles elle essaie de s’adresser. C’est qu’il n’est pas si facile de devenir un mur. 

Penser que pendant ce temps, à l’autre bout de Paris, il s’endort dans son lit pour ne plus se réveiller. Penser que pendant ce temps, à l’autre bout de Paris, il ne sait toujours pas ce qu’elle n’a jamais su lui dire. Penser que pendant ce temps, à l’autre bout de Paris, le poids des ans et l’espoir d’un avenir se serrent la main.

2 commentaires:

Stéphane Berney a dit…

C'est un magnifique texte. Merci!

Lunécile a dit…

Je trouve ton texte bien écrit, il crée l'émotion sans en faire des tartines, c'est joli.