My girlfriends run off with my car / And gone back to her ma and pa / Telling tales of drunkenness and cruelty.
C’était 1940 et c’était cette ville. Cancale. Je devais passer mon brevet alors je me suis inscrite. Comme ça, du jour au lendemain. Et je l’ai eu. Comme ça. On venait du Pas de Calais. De Condette la morbide. C’était lourd. Triste. Sans imagination aucune. Et là, la mer. C’était beau. Tous les matins, la baie de Saint Michel. Paradis. La guerre, le paradis. C’était joie. Ensuite, on a continué à avancer parce que la guerre, évidemment. Jusqu’à Saint Malo. Pour le bac, on avait l’oral à Rennes. Fallait prendre le tortillard. Et il était plein de bacheliers le tortillard. Joie. Je ne l’oublierai jamais. C’était fou. On était bien.
Evelyne est comme ça. 89 années d’histoires. 89 années à voir son bonheur jusque dans le malheur des autres. 89 années centrées sur une lignée de femmes, ses trésors. Son avenir. Sa descendance.
Oui, les hommes, ce drôle de phénomène. Invivable phénomène. Ses yeux aveugles cherchent les miens. Que dire du tien. Ton père. Ton homme à toi. Qu’en dire de plus que ce qu’on peut dire des autres, finalement. On fait avec, on les prend, on s’en sert. On les laisse crever après. Avec leurs lubies bien à eux et leurs envies terribles. Qu’ils crèvent comme ça par terre, la gueule ouverte comme des connards.
Et puis Evelyne parle de la Louisiane, de Malte (qu’était bien mieux la première fois que la deuxième mais c’est comme ça, les voyages organisés, c’est la structure qui importe - pas le paysage) et de l’Asie. Elle dit que l’Auvergne ne lui a jamais plu, question de confort, tandis que la Charente, ça oui la Charente. Elle parle, parle. Ses yeux ne cherchent plus, enfoncés dans leurs orbites, tournés vers un passé fantasmé. Elle oublie les cris et les insultes d’autrefois pour se centrer, comme le nouveau né, sur cette tendresse apparente qu’on appelle sénilité. Sourire débile, attendrissant. L'amour étrange de ces moments-là.
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