Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Lauranne

"Je n’ai jamais écrit, croyant le faire, je n’ai jamais aimé, croyant aimer, je n’ai jamais rien fait qu’attendre devant la porte fermée." Marguerite Duras

Lauranne a vingt ans. Enfin. L’âge classe. L’âge noble. L’âge où Sade et Sacher vont devenir réalités palpables - loin de tous ces bouseux de banlieue qui jouent avec son cœur sans en saisir les profondeurs. Lauranne sait que pour ses vingt et un ans elle se fera tatouer un nénuphar sur l’omoplate droite, rapport au poumon de la Chloé que Vernon Sullivan avait fait mourir dans son roman d’amour toujours. Lauranne distribue son corps, regarde ses limites. Lauranne veut explorer. Elle fait donc un peu gaffe Lauranne. Se nourrir de bières, de clopes et de café ok mais les surenchères de victuailles sucrées-salées au fond du lit c’est fini. Même quand il fait froid. Non, quand il fait froid, c’est juste qu’il faut passer à la Vodka, revoir ses perspectives à la baisse, fermer les yeux, serrer les doigts et chercher le courage dans l’absence.

Lauranne aime narguer les objectifs en noir et blanc. Fixer sur le papier glacé ce corps gainé de sueur et de fraîcheur. Percer de son regard la pellicule. Offrir sa croupe et ses jambes pliées. Provoquer. Les frissons dans l’échine. Ce qu’elle veut dire entre les lignes. Elle n’en sait rien mais elle y croit. Et si elle ne le sait pas, l’autre le sait bien, celui qui fait de sa jeunesse un autel. Celui qui l’appelle Maîtresse. Il lui dit jalousie. Il répète « jalousie, l’objet, le regard». Elle, Lauranne, sourit.

Lauranne croit qu’à 25 ans elle sera finie. Elle se dit donc qu’elle a cinq ans pour faire ce qu’elle a à faire. Evoluer. Rencontrer. Oser. Ce qu’elle ne sait pas, Lauranne, c’est que le courage c’est pas l’absence et le silence et qu’à ce rythme là, non seulement elle sera toujours là à vingt cinq ans, mais il ne se sera toujours rien passé. Dans cinq ans.


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